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de maçonnerie, des voûtes en brique ou même en pierre, de bonnes bâtisses bien raisonnées et appareillées, élégantes et solides, sur des points d’appui isolés en fonte. C’est qu’en effet l’instruction classique ne peut guère permettre ces essais que les architectes du moyen âge n’eussent certainement pas manqué de faire, et probablement avec un plein succès.

Quant à s’arrêter en chemin, ce n’est pas ce qu’on peut reprocher aux architectes gothiques ; nous allons voir avec quelle ardeur ils se lancent dans l’application de plus en plus rigoureuse des principes qu’ils avaient posés, et comme ils arrivent, en quelques années, à pousser à bout ces principes, à employer la matière avec une connaissance exacte de ses qualités, à jouer avec les problèmes les plus compliqués de la géométrie descriptive.

L’église de Notre-Dame de Dijon est un petit édifice, et on pourrait croire que les architectes bourguignons de la première moitié du XIIIe siècle n’ont osé se permettre des hardiesses pareilles dans des monuments d’une grande étendue comme surface et fort élevés. C’est le contraire qui a lieu ; il semble qu’en opérant sur une vaste échelle, ces constructeurs prennent plus d’assurance encore et développent avec plus de franchise encore leurs moyens d’exécution. Le chœur de la cathédrale de Saint-Étienne d’Auxerre fut rebâti, de 1215 à 1230 environ, sur une crypte romane (voy. Crypte), qui fit adopter certaines dispositions inusitées dans les grandes églises de cette époque. Ainsi le sanctuaire est entouré d’un simple collatéral avec une seule chapelle absidale carrée. Quant à sa construction, elle présente une parfaite analogie, dans les œuvres basses, avec celle de l’église de Notre-Dame de Dijon. Toutefois, à Auxerre, la bâtisse est plus légère encore, et certaines difficultés, résultant des dispositions romanes du plan qu’on ne voulait pas changer, ont été résolues de la manière la plus ingénieuse.

Nous donnons (83) la moitié du plan de la chapelle absidale placée sous le vocable de la sainte Vierge. Ce plan est pris à la hauteur de la galerie du rez-de-chaussée portant, comme à Notre-Dame de Dijon, sur une arcature. En X, nous avons figuré, à une plus petite échelle, la projection horizontale de la voûte du collatéral devant cette chapelle. Suivant la méthode bourguignonne, les formerets sont isolés du mur ; ils reposent sur des colonnettes en délit AB, CD, EF, GH, etc. Des colonnes-noyau, également posées en délit, supportent l’effort des pressions, et la voûte se compose de deux arcs ogives IK, LM, d’un arc doubleau NO, et de deux arcs intermédiaires PQ, RS. Ces deux arcs intermédiaires viennent, au droit du collatéral, retomber sur deux colonnes isolées QS, en délit, d’un seul morceau chaque, ayant 0,24 c. de diamètre sur 6m,60 de haut de la base au-dessous du chapiteau. La difficulté était de neutraliser si exactement les diverses poussées qui agissent sur ces colonnes QS, qu’elles ne pussent sortir de la verticale. C’était un problème à résoudre semblable à celui que l’architecte des chapelles de Notre-Dame de Châlons-sur-Marne s’était posé, mais sur une échelle beaucoup plus grande et avec des points