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[construction]
[développements]
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sur deux points distants l’effet de poussée des voûtes des bas-côtés.

En vérité, tout ceci peut paraître compliqué, subtil, cherché ; mais on voudra bien reconnaître avec nous que c’est ingénieux, fort habile, savant, et que les auteurs de ce système n’ont fait aucune confusion de l’art grec avec l’art du Nord, de l’art romain avec l’art oriental ; qu’ils n’ont pas mis la fantaisie à la place de la raison, et qu’il y a dans ces constructions mieux que l’apparence d’un système logique. Nous admettons parfaitement que l’on préfère une construction grecque, romaine ou même romane à celle de l’église de Notre-Dame de Dijon ; mais on voudra bien nous permettre de croire qu’il y a plus à prendre ici, pour nous architectes du XIXe siècle, appelés à élever des édifices très-compliqués, à jouer avec la matière, possédant des matériaux très-différents par leur nature, leurs propriétés et la façon de les employer ; forcés de combiner nos constructions en vue de besoins nouveaux, de programmes très-variés, très-différents de ceux des anciens… ; qu’il y a plus à prendre, disons-nous, que dans la structure primitive et si simple du temple de Minerve d’Athènes, ou même dans la structure concrète, immobile, du Panthéon de Rome. Il est fâcheux que nous ne puissions toujours bâtir comme les anciens et observer perpétuellement ces règles si simples et si belles des constructeurs grecs ou romains ; mais nous ne pouvons élever raisonnablement une gare de chemin de fer, une halle, une salle pour nos assemblées, un bazar ou une bourse, en suivant les errements de la construction grecque et même de la construction romaine, tandis que les principes souples appliqués déjà par les architectes du moyen âge, en les étudiant avec soin, nous placent sur la voie moderne, celle du progrès incessant. Cette étude nous permet toute innovation, l’emploi de tous les genres de matériaux, sans déroger aux principes posés par ces architectes, puisque ces principes consistent précisément à tout soumettre, matériaux, forme, dispositions d’ensemble et de détail, au raisonnement ; à atteindre la limite du possible, à substituer les ressources de l’industrie à la force inerte, la recherche de l’inconnu à la tradition. Il est certain que si les constructeurs gothiques eussent eu à leur disposition de grandes pièces en fonte de fer, ils n’auraient pas manqué d’employer cette matière dans les bâtiments, et je ne répondrais pas qu’ils ne fussent bientôt arrivés à des résultats plus judicieux, mieux raisonnés que ceux obtenus de notre temps, car ils auraient franchement pris cette matière pour ce qu’elle est, en profitant de tous les avantages qu’elle présente et sans se préoccuper de lui donner d’autres formes que celles qui lui conviennent. Leur système de construction leur eût permis d’employer simultanément la fonte de fer et la pierre, chose que personne n’a osé tenter à notre époque, tant la routine a d’action sur nos constructeurs, qui ne cessent de parler de progrès, comme ces choristes d’opéras qui crient « Partons ! » pendant un quart d’heure, sans bouger de la scène. Nous ne sachions pas que l’on ait essayé en France, jusqu’à ce jour, si ce n’est dans la construction des maisons de quelques grandes villes, de porter des masses considérables