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tique, quelques-unes des raisons qui déterminèrent les riches abbayes à fonder des collèges dans Paris ou dans d’autres villes populeuses et puissantes. Les cathédrales (voy. Cathédrale, Cloître) possédaient, la plupart, sous l’ombre de leurs clochers, des écoles, dont quelques-unes devinrent célèbres. Jusqu’au XIIe siècle, l’enseignement ne sortit pas de l’enceinte des cloîtres des abbayes ou des églises épiscopales ; mais, à cette époque déjà, il se répandit au dehors. Abailard fut un des premiers qui enseignât la dialectique, la théologie et la philosophie, en dehors des écoles alors seules reconnues ; son succès fut immense : après avoir battu ses adversaires, il vit le nombre de ses élèves s’accroître sans cesse autour de sa chaire, jusqu’au moment où le pape Innocent II, confirmant le jugement du concile de Sens qui condamnait la doctrine d’Abailard, lui interdit l’enseignement. Il n’entre pas dans le cadre de notre Dictionnaire de traiter les questions qui alors divisaient le monde enseignant ; il nous suffira d’indiquer ici le mouvement extraordinaire des esprits vers les études philosophiques, mouvement qui, malgré les persécutions dont Abailard fut l’objet, comme le sont tous les professeurs qui prétendent quitter les voies de la routine, entraîna bientôt les prélats, les abbayes et même les particuliers, à fonder, à Paris principalement, un grand nombre d’établissements moitié religieux, moitié laïques, qui s’ouvrirent à la jeunesse avide de savoir. Sous Louis VII, les écoles du cloître Notre-Dame ne pouvant contenir le nombre des étudiants qui venaient s’y presser, le chapitre de la cathédrale de Paris souffrit que les écoliers passassent la rivière et s’établissent autour de Saint-Julien-le-Pauvre. Ce fut là que Guillaume de Champeaux, le maître et bientôt après l’adversaire malheureux d’Abailard, vint enseigner. De Saint-Julien, l’école des humanistes et des philosophes fut transférée à Saint-Victor. « Depuis, dit Sauval, le nombre des écoliers de dehors étant venu à s’augmenter, les écoles des Quatre-Nations furent bâties à la rue du Fouare ; ensuite on fonda le collège des Bons-Enfants, celui de Saint-Nicolas-du-Louvre, et le collège Sainte-Catherine-du-Val des écoliers. Il fut permis même, en 1244, d’enseigner les sciences partout où l’on voudroit, et dans les maisons que les régents trouveroient les plus commodes. Mais afin que pas un d’eux ne dépossédât son compagnon de celle qu’il avoit louée, Innocent IV fit des défenses expresses là-dessus, par deux bulles consécutives, l’une donnée à Lyon le deux des nones de mars, l’an deuxième de son pontificat ; l’autre, sept ans après, datée de Péronne le troisième des calendes de juin, avec commandement au chancelier de l’Université de faire taxer le louage des maisons où ils demeuroient. Dans tout ce temps-là, et même jusqu’au règne de saint Louis, il n’y eut point à Paris de collèges, bien que nous apprenions de Rigord en la vie de Philippe-Auguste, et même de l’Architremius de Joannes Hantivillensis, qu’en 1183 on y comptoit plus de dix mille écoliers ; et nonobstant cela, il est constant qu’ils n’avoient point de quartier affecté, et se trouvoient dispersés de côté et d’autre dans la ville, de même que les écoles