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rappelle bien plutôt les petites églises grecques de l’Asie et du Péloponnèse que celui d’Aix-la-Chapelle. Quoi qu’il en soit, sur les quatre piles centrales s’élève un clocher carré portant sur les quatre arcs doubleaux. Son beffroi n’est séparé du vaisseau que par un plancher, et est percé, sur chacune des quatre faces, à l’étage inférieur formant lanterne, de quatre petites fenêtres décorées de stucs à l’intérieur ; à l’étage supérieur destiné aux cloches, de quatre baies jumelles. On retrouve, dans les stucs et dans la construction même, faite en moellons recouverts d’enduits et d’une mosaïque sous la voûte de l’abside orientale, les traditions du bas-empire.

Mais nous avons l’occasion de revenir sur ce curieux monument au mot Église. Nous devons nous borner à le signaler ici à cause de sa date et de la présence d’un clocher central antérieur à celui de Saint-Front de Périgueux, puisqu’il aurait été élevé au commencement du IXe siècle. On peut donc, jusqu’à présent, trouver deux origines distinctes à l’introduction des clochers centrals des églises en France : l’une, par les Vénitiens, sur les côtes occidentales ; l’autre, par la renaissance carlovingienne de l’Est. Il est des provinces où ces deux influences se rencontrent et se mêlent : d’autres où elles dominent exclusivement. Or, si le clocher de Saint-Front servit de type à un grand nombre de tours d’églises dans l’Ouest, des clochers analogues à celui de Germigny-des-Prés (car nous ne pouvons faire à ce petit édifice l’honneur d’avoir servi de type), des clochers carlovingiens d’origine, influèrent sur les constructions entreprises sur les bords de la Saône, de la haute Marne et dans le Lyonnais. L’un des plus anciens clochers centrals de cette dernière contrée est celui de l’église d’Ainay à Lyon. La base massive de ce clocher date probablement du XIe siècle, et son étage à jour, supérieur, du XIIe. Si l’on considère la partie inférieure du clocher central d’Ainay, on pourrait supposer qu’elle était destinée à porter plusieurs étages, car ses murs massifs, percés seulement d’une petite baie sur chacune des faces, ont une résistance considérable. Cependant, cette base ne fut surmontée que d’un seul étage percé d’arcatures. Mais il n’est pas rare de rencontrer, dans l’ancien Lyonnais, ces clochers trapus, couronnés d’un toit plat en charpente, recouvert de tuiles romaines dans l’origine et plus tard de tuiles creuses.

La fig. 23 représente une vue du clocher central d’Ainay. Sa base est construite en moellons, avec angles en pierre, elle porte sur quatre arcs-doubleaux et contient une coupole ; un escalier massif à pans monte jusqu’à l’étage supérieur, qui, plus moderne que la base, est en pierre. La corniche qui termine cet étage, formée d’une tablette portée sur des corbeaux, ne laisse pas supposer qu’on ait eu l’intention de construire plus d’un étage sur la large base qui surmonte les voûtes de l’église.

Vers la haute Marne et la haute Saône, c’est-à-dire en se rapprochant du Rhin, les clochers centrals des églises n’ont pas cette forme écrasée, et sont couverts par des flèches en pierre ; ils conservent longtemps, cependant, le plan carré jusqu’à la corniche du couronnement ; la flèche en pierre est souvent sur plan octogonal, et les angles restant entre les côtés