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[château]
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Sully est un château de plaine élevé sur le bord de la Loire, entouré de larges et profonds fossés B alimentés par le fleuve. C’est le bâtiment principal F, le donjon, qui fait face à la Loire et qui n’en est séparé que par un fossé et une levée assez étroite. En avant de l’unique entrée C est la basse-cour entourée d’eau et protégée par des murs d’enceinte dont les soubassements existent seuls aujourd’hui. La porte est, conformément aux dispositions adoptées dès le XIIIe siècle, divisée en porte charretière et poterne, ayant l’une et l’autre leur pont-levis particulier. Lorsqu’on est entré dans la cour D, on ne peut pénétrer dans le donjon F qu’en passant sur un second pont-levis jeté sur un fossé et une porte bien défendue flanquée de deux tourelles, dont l’une contient l’escalier qui dessert les trois étages de ce bâtiment. Outre cet escalier principal, chaque tour possède son escalier de service. Les étages des tours, comme à Pierrefonds, ne sont point voûtés, mais séparés par des planchers en bois. Le corps de logis F, divisé en deux salles, possède un rez-de-chaussée et deux étages fort beaux[1], le second étant mis en communication avec les chemins de ronde munis de machicoulis, de meurtrières et de créneaux. Comme à Pierrefonds aussi, les tours dominent de beaucoup le grand corps de logis F, qui lui-même commande les bâtiments en aile. Les côtés G étaient seulement défendus par des courtines couvertes et une tour de coin[2].

La vue cavalière de ce château (27), prise vers l’angle sud-ouest du donjon, explique la disposition générale des bâtiments et les divers commandements. Il n’y a qu’un étage de défenses à Sully, mais la largeur des fossés remplis d’eau était un obstacle difficile à franchir ; il n’était pas nécessaire, comme à Pierrefonds, de se prémunir contre les approches et le travail des mineurs[3].

Nous ne croyons pas nécessaire de multiplier les exemples de châteaux bâtis de 1390 à 1420, car, en ce qui touche à la défense, ces constructions ont, sur toute la surface de la France, une analogie frappante. Si, au XIIe siècle, on rencontre des différences notables dans la façon de fortifier les résidences seigneuriales, au commencement du XVe siècle il y avait unité parfaite dans le mode général de défense des places et dans les habi-

  1. Nous avons donné, à l’article Charpente, la coupe de l’étage supérieur. Autrefois il n’y avait qu’une seule salle occupant toute la longueur du bâtiment F, et la cheminée qui la chauffait était pratiquée dans le pignon de gauche à l’ouest. (Voir la vue cavalière, fig. 27.)
  2. Cette dernière partie du château est dérasée aujourd’hui à quelques mètres au-dessus du sol de la cour.
  3. Aujourd’hui, quoique le château soit en partie habité par M. de Sully, les tours sont démantelées et le donjon à peu près abandonné ; mais il existe, dans le château même, un modèle en relief des bâtiments exécuté dans le dernier siècle, et qui est fort exact ; ce modèle nous a servi à compléter les parties détruites pendant la révolution, Le grand Sully habita ce château après la mort de Henri IV et fit percer, à tous les étages, des fenêtres qui n’existaient pas avant cette époque, les jours étant pris du côté de la cour intérieure.