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Outre les dépenses qu’occasionnaient aux seigneurs féodaux la construction des châteaux et l’entretien d’une garnison suffisante en prévision d’une attaque, il leur fallait faire exécuter des travaux considérables, s’ils voulaient être en état de résister à un siége en règle, approvisionner quantité de munitions de bouche et de guerre. Les hourdages en bois dont, pendant les XIIe et XIIIe siècles, on garnissait les sommets des tours et courtines, exigeaient l’apport, la façon et la pose d’une quantité considérable de charpentes, par conséquent un nombre énorme d’ouvriers. Ces ouvrages transitoires se détérioraient promptement pendant la paix ; ce n’était pas une petite affaire de posséder et de garder un château à cette époque.

Dans un autre poëme, contemporain de ce dernier (commencement du XIIIe siècle), nous trouvons encore des détails intéressants, non-seulement sur les défenses des châteaux, mais sur les logements, les dépendances, les armes et les passe-temps des seigneurs. Nous demanderons à nos lecteurs la permission de leur citer encore ce passage :

« .........
« Li chastiax sist an une roche[1] ;
« Li aigue jusc’à mur s’aproche,
« La roche fut dure et naïve,
« Haute et large jusc’à la rive ;
« Et sist sor une grant montaigne
« Qui samble qu’as nues se teigne.
« El chastel n’avoit c’une entrée[2] ;

  1. Extraits de Dolopathos d’Herbers, p. 282.
  2. Presque tous les châteaux n’ont qu’une entrée, ainsi que nous l’avons dit plus haut à propos du Louvre. Dans Li Romans de Parise la Duchesse, nous trouvons ces vers :

    « An la porte devant a fet .i. pont lever.
    « ..........
    « N’i ot que .i. antrée, bien la firent garder. »

    Et dans la seconde branche du roman d’Auberi le Bourguignon (voy. la chanson de Roland, XIIe siècle, pub. par Francisque Michel, 1837, p. XL) :

    « Fu li chastiax et la tors environ ;
    « Bien fu assise par grant devision (réflexion, prévoyance)
    « De nulle part habiter (entrer) n’i puet-on
    « Fors d'une part, si comme nous cuidonz ;
    « Là est l’antrée et par là i va-on.
    « Pont torneiz (à bascule) et barre à quareillon (à serrure)
    « Selve (forêt) i ot vielle dès le tans Salemon ;
    « Bien fu garnie de riche venoison.
    « Las (proche) la rivière sont créu li frès jon
    « Et l’erbe drue que coillent li garson.
    « Li marois sont entor et environ
    « Et li fossé qui forment (entourent) sont parfont ;