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boutants des voûtes hautes. Dans l’axe, une chapelle beaucoup plus profonde B termine le chevet. Au-dessus de l’arcature qui décore à l’intérieur le soubassement de ces chapelles règne un passage traversant les piles qui portent les arcs ; les fenêtres occupent tout l’espace laissé entre ces piles et sont terminées à leur sommet par des berceaux ogives concentriques aux formerets. Les voûtes sont contrebutées par les piles formant contreforts à l’intérieur. À Châlons, les chapelles présentent, à l’extérieur, des contreforts qui ne sont qu’une demi-colonne cannelée terminée par une statue et un dais (voy. Contre-fort). Ce plan circulaire, les piles formant contreforts intérieurs, les deux colonnes posées à l’entrée de la chapelle sur le collatéral, et jusqu’aux demi-colonnes cannelées extérieures, sont des dispositions qui rappellent encore l’architecture antique romaine. Son influence, surtout apparente dans la Haute-Marne, à Langres, et le long de la Saône, se fait encore sentir jusqu’à Reims (ville qui possède encore un monument antique), et même jusqu’à Chalons, pendant les premières années du XIIIe siècle. Les chapelles absidales de la cathédrale de Reims, élevées vingt ou vingt-cinq ans après celles de l’église de Saint-Remy, sont évidemment dérivées de ces dernières. Mais à la cathédrale de Reims, Robert de Coucy a supprimé les colonnes isolées de l’entrée, et a donné à son plan plus d’ampleur.

Les chapelles absidales de la cathédrale de Reims méritent d’être étudiées avec soin. Commencées sur un plan circulaire, comme celles de Saint-Remy, elles deviennent polygonales au niveau de l’appui des fenêtres ; c’est la transition entre les deux systèmes roman et ogival. Les architectes soumis aux principes de l’école ogivale reconnaissaient : 1o que les archivoltes des fenêtres percées dans un mur cylindrique poussaient au vide ; 2o que les meneaux ne pouvaient être établis solidement qu’autant qu’ils se trouvaient dans un plan droit ; que leur taille, suivant un plan courbe, présentait des difficultés insurmontables. Ainsi, en adoptant les meneaux comme châssis de fenêtres et pour maintenir les vitraux, on se trouvait forcément entraîné à abandonner la forme cylindrique dans les absidioles aussi bien que dans les grandes absides. Mais la rencontre des meneaux avec les talus circulaires du soubassement nécessitait des pénétrations compliquées, un raccordement présentant certaines difficultés ; on trouva bientôt plus naturel de prolonger la forme polygonale jusqu’au sol. Pour nous résumer, l’habitude des constructions romanes fait commencer, au XIIIe siècle, des chapelles sur plan circulaire ; le principe de la construction adoptée fait renoncer au plan circulaire en construisant les fenêtres, surtout lorsque celles-ci sont garnies de meneaux ; ce principe, une fois admis, fait abandonner la forme cylindrique même pour les soubassements, et commande la forme polygonale ou prismatique dans les plans des chapelles. Il y avait dans tout le système ogival des données impérieuses qui forçaient ainsi les architectes, de déductions en déductions, à l’appliquer avec plus de rigueur, quelle que fût la force des traditions antérieures. Toutefois, à Reims, l’architecte sut se tirer avec adresse du mauvais pas où il s’était