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tement à l’échelle de ce petit monument, riche sans être chargée. Il est difficile de rencontrer une composition à la fois plus simple et mieux décorée[1]. Des coussins épais étaient naturellement posés sur la tablette de ces meubles.

« Au fond du sanctuaire de la cathédrale de Reims, dit M. Didron dans ses Annales archéologiques[2], derrière le maître autel, on voyait, avant 1793, un siège en pierre, haut d’un mètre soixante-dix centimètres, et large de soixante-dix centimètres. C’est là qu’on intronisait les nouveaux archevêques. Ce monument de Reims s’appelait la chaire de saint Rigobert… Dans cette chaire, on plaçait, pendant la vacance du siège archiépiscopal, la crosse la plus ancienne de tout le trésor de la cathédrale. Par là, saint Nicaise, saint Remi, saint Rigobert ou même Hincmar, auxquels cette crosse pouvait avoir appartenu, étaient censés gouverner le diocèse en attendant la nomination d’un nouvel archevêque. »

On suspendait au-dessus de la chaire épiscopale un dais en étoffe ; mais plus tard, pendant les XIVe et XVe siècles, ces dais entrèrent dans la composition même du monument, et furent faits comme eux en pierre ou en bois. Il existe encore, dans l’église Saint-Seurin ou Saint-Severin de Bordeaux, une chaire épiscopale en pierre de la fin du XIVe siècle, ainsi complétée d’une façon magnifique (3). Au centre du dais, sur le devant, entre les deux gâbles, est sculptée une mitre d’évêque soutenue par deux anges. Le siège et les accoudoirs sont délicatement ajourés. Les quatre pieds-droits qui supportent le dais étaient autrefois décorés de statuettes, aujourd’hui détruites. Deux autres figures devaient être placées également sur deux consoles incrustées dans la muraille, sous le dais, au-dessus du dossier. Cette chaire est aujourd’hui déplacée ; elle était autrefois fixée au fond du sanctuaire, suivant l’usage.

En Normandie, en Bretagne, et plus fréquemment en Angleterre, on voit, dans les sanctuaires des églises dépourvues de bas-côtés, des sièges ménagés dans l’épaisseur de la muraille, à la gauche de l’autel, et formant une arcature renfoncée, sous laquelle s’asseyaient l’officiant et ses deux acolytes. Ces chaires à demeure sont quelquefois de hauteurs différentes, comme pour indiquer l’ordre hiérarchique dans lequel on devait s’asseoir. Le Glossaire d’Architecture, de M. Parker d’Oxford, en donne un assez grand nombre d’exemples, depuis l’époque romane jusqu’au XVIe siècle. Nous renvoyons nos lecteurs à cet excellent ouvrage. En France, ces sortes de sièges sont fort rares, et il est probable que, dès une époque assez reculée, on les fit en bois, ou tout au moins indépendants de la construction, comme celui que nous donnons (fig. 3). Ces chaires, ou formes anglaises, se combinent ordinairement avec la piscine ; dans ce cas, il y a quatre arcatures au lieu de trois, la piscine étant sous la travée la plus rapprochée de l’autel.

Mais à la fin du XVe siècle, on établit de préférence les chaires épiscopales, les trônes, à la tête des stalles du chœur, à la gauche de l’autel (voy. Stalle).

  1. Voir dans les Annales archéol., t. II, p. 175, une gravure de cette belle chaire.
  2. T. II, p.175.