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les détails, le système de construction et l’ornementation, se rapprochent de l’école de Reims. C’est là un monument exceptionnel, sorte de lien entre deux styles fort différents, mais qui se réduit à un seul exemple.

Ne pouvant nous occuper des admirables cathédrales de Cambrai et d’Arras[1], détruites aujourd’hui, et qui auraient pu nous fournir des renseignements précieux sur la fusion de l’école rhénane avec l’école française, nous ferons un détour vers les provinces du nord-ouest et de l’ouest.

Dans le Nord, les voûtes avaient paru tardivement ; les grandes églises du centre de la France, des provinces de l’est et de l’ouest, étaient déjà voûtées au XIe siècle, quand on couvrait encore les nefs principales des églises par des charpentes apparentes dans une partie de la Picardie et de la Champagne, dans la Normandie, le Maine et la Bretagne.

Pendant le XIIe siècle, la Normandie et le Maine n’étaient pas réunis au domaine royal ; et, quoique les ducs de Normandie tinssent leur province en fief de la couronne, chacun sait combien ils reconnaissaient peu, de fait, la suzeraineté des rois de France. Ce qui reste des cathédrales normandes du XIe au XIIe siècle, en Angleterre et sur le continent, donne lieu de supposer que ces monuments, dont le plan se rapprochait beaucoup de la basilique romaine, étaient, en grande partie, couverts par des lambris ; les voûtes n’apparaissaient que sur les bas-côtés et les sanctuaires. L’ancienne cathédrale du Mans fut construite d’après ce principe au commencement du XIe siècle. Nous en donnons le plan (34)[2]. Les bas-côtés A étaient fermés par des voûtes d’arêtes romaines, les absides par des culs-de-four, les transsepts B et la nef C par des charpentes lambrissées. Sur les quatre piles de la croisée, dans les églises normandes, s’élevait toujours une haute tour portée sur quatre arcs doubleaux. Au Mans, la façade occidentale existe encore, ainsi que les murs latéraux et la base du pignon du transsept nord. On aperçoit l’amorce des absidioles E.

La cathédrale de Peterborough en Angleterre, d’une date plus récente, mais qui cependant, sur presque toute son étendue, est antérieure au XIIe siècle, présente encore une disposition analogue à celle-ci.

Pendant le XIIe siècle, vers l’époque où l’on construisait les églises de l’abbaye de Saint-Denis et de Notre-Dame de Noyon, la nef romane de la cathédrale du Mans fut remaniée ; on reprit les piles et les parties supérieures de la nef, qui fut alors voûtée ainsi que les transsepts. Ces voûtes

  1. La belle cathédrale d’Arras ne fut détruite que depuis la révolution de 1792 ; elle existait encore au commencement du siècle. Celle de Cambrai était l’œuvre de Villart de Honnecourt, ce maître dont nous avons parlé plusieurs fois, l’ami de Robert de Coucy. Vienne possède un modèle de cette cathédrale dépendant d’un plan en relief enlevé, en 1815, du musée des Invalides, par les généraux autrichiens.
  2. Ce plan est à l’échelle de 0,001m pour mètre. Il est entendu que nous n’avons eu, pour le tracé de l’abside principale, que des données fort vagues. Mais nous présentons ce plan comme un type plutôt que comme un édifice particulier.