Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/326

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[cat]
— 323 —

pouvons considérer ces portails comme appartenant au style purement ogival. Amiens n’a qu’une façade tronquée, non terminée, sur laquelle des époques différentes sont venues se superposer.

Chartres n’est qu’une réunion de fragments. Bourges et Rouen sont des mélanges de styles de trois et quatre siècles. Les façades de Bayeux, de Coutances, de Soissons, de Noyon, de Sens, de Séez, sont restées inachevées, ont été dénaturées, ou présentent des amas de constructions sans ensemble, élevées successivement sans projet arrêté. La façade principale de Notre-Dame de Reims, malgré cet excès de richesse, a donc pour nous l’avantage de nous donner une conception franche en style ogival, et, sous ce point de vue, elle mérite toute l’attention des architectes. Son iconographie est complète, et ce fait seul est d’une grande importance. Mais nous reviendrons sur cette partie de la décoration des cathédrales.

Afin de donner une idée de ce que devait être une cathédrale du XIIIe siècle, complète, achevée telle qu’elle avait été conçue, nous donnons ici (18) une vue cavalière d’un édifice de cette époque, exécutée d’après le type adopté à Reims. Faisant bon marché des détails, auxquels nous n’attachons pas ici d’importance, on peut admettre que le monument projeté par Robert de Coucy devait présenter cet ensemble, si ce n’est que les flèches occidentales ne furent jamais terminées et que les flèches centrale et des transsepts étaient en bois et plomb. Le 24 juillet 1481, des ouvriers plombiers, dont les noms nous sont restés[1], mirent le feu à la toiture par négligence. L’incendie dévora toutes les charpentes. C’était, autour de l’édifice, un tel déluge de plomb, que l’on ne pouvait en approcher pour porter secours. Le dévouement des Rémois ne put maîtriser le fléau, et ce fut une véritable désolation non-seulement dans la province, mais dans la France, entière. Louis XI prit fort mal la nouvelle de ce sinistre, qu’on lui apporta au Plessis-lès-Tours ; il fut question de remplacer le chapitre par des moines[2]. Quels que fussent les sacrifices que s’imposèrent le chapitre et l’archevêque, les dons royaux, qui furent considérables, on ne put songer à rétablir le monument dans l’état où il était avant l’incendie. La sève qui, au XIIIe siècle, se répandait dans ces grands corps était épuisée. On dut se borner à refaire la charpente, les galeries supérieures, les pignons, à réparer les tours du portail et à raser les quatre tours des transsepts au niveau du pied du grand comble. C’est dans cet état que nous trouvons aujourd’hui ce monument, si splendide encore malgré les mutilations qu’il a subies.

La cathédrale d’Amiens, dévastée par le feu et les invasions normandes, en 850, 1019 et 1107, fut totalement détruite par un incendie en 1218. En 1220, Evrard de Fouilloy, quarante-cinquième évêque d’Amiens, fit jeter les fondements de la cathédrale actuelle. Le maître de l’œuvre était Robert de Luzarches. L’évêque picard alla chercher son architecte dans l’Île de France. Les nouvelles constructions furent commencées par la nef ;

  1. Jean et Remi Legoix.
  2. Anquetil.