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perfectionnements à l’art laissé par le XIIe siècle ; il ne pouvait ignorer ce que l’on tentait autour de lui ; c’est ainsi qu’il fut amené à terminer les chapelles du chœur, commencées sur un plan circulaire comme celles de la cathédrale de Noyon, par des pans coupés. Les ornements de la corniche de ces chapelles, les carniaux des larmiers dont parle Villart, le style des statues d’anges qui surmontent les petits contreforts, ne peuvent laisser douter qu’elles n’aient été achevées par Robert de Coucy, de 1220 à 1230. Il avait fallu plusieurs années pour jeter les fondements de cet édifice commencé d’après un projet aussi robuste, d’autant plus que le sol sur lequel la cathédrale de Reims est assise n’est pas égal, et ne devient bon qu’à plusieurs mètres au-dessous du pavé (de quatre à sept mètres d’après quelques fouilles faites au pourtour). Il n’est pas surprenant donc que ces énormes constructions, quelle que fût l’activité apportée à leur exécution, ne fussent pas, en 1230, c’est-à-dire dix-huit ans après leur mise en train, élevées au-dessus des voûtes basses. À la première vue, le rez-de-chaussée des pignons des deux transsepts[1] paraît plus ancien que les chapelles du chœur ; les fenêtres basses sont sans meneaux et encadrées de profils et ornements qui rappellent l’architecture de transition ; tandis que les fenêtres des chapelles du chœur sont déjà pourvues de meneaux dont les formes, la disposition particulière et l’appareil sont identiquement semblables aux meneaux des bas-côtés de la nef de la cathédrale d’Amiens, qui datent de l’année 1230 environ. Robert de Coucy avait bien pu amender lui-même certains détails de son projet, en même temps qu’il adoptait les pans coupés pour ces chapelles au-dessus de la forme circulaire de leur soubassement. Quoi qu’il en soit, le maître de l’œuvre, en mourant ou en abandonnant les constructions à des architectes plus jeunes, peut-être après une interruption de quelques années, avait laissé des projets dont ses successeurs, malgré les réductions dont nous avons parlé, se rapprochèrent autant que possible. C’est ce qui donne à cet édifice un caractère d’unité si remarquable, quoiqu’il ait fallu un siècle pour conduire le travail jusqu’aux voûtes hautes. À Reims, plus que partout ailleurs, on respecta la conception du premier maître de l’œuvre. Aussi, lorsque l’on veut se faire une idée de ce que devait être une cathédrale conçue par un architecte du commencement du XIIIe siècle, de la plus belle époque de l’art ogival, c’est à Reims qu’il faut aller. Et cependant, combien ce grand monument ne subit-il pas de modifications importantes ; et, tel que nous le voyons aujourd’hui, combien il est loin des projets de Robert de Coucy et même de ce qu’il fut avant l’incendie de la fin du XVe siècle.

Le plan de la cathédrale de Reims est simple (voy. fig. 13) ; les chapelles rayonnantes du chœur sont larges, profondes ; la nef longue et dépourvue de chapelles. Les coupes et élévations des parties latérales de l’édifice répondent à la simplicité du plan ; les contreforts et arcs-boutants, admi-

  1. Il est entendu que, pour le pignon nord, nous ne parlons pas des deux portes percées vers le milieu du XIIIe siècle.