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cathédrales de Bourges, de Noyon, de Laon et de Chartres, nous serons frappés de l’épaisseur proportionnelle des constructions formant le périmètre de l’édifice. C’est que Robert de Coucy appartenait à une école de constructeurs robustes, que cette école s’était élevée dans un pays où la pierre est abondante ; c’est, bien plus encore, que Robert avait conçu un édifice devant atteindre des dimensions colossales. La bâtisse avait à peine atteint la hauteur des basses nefs, que l’on dut renoncer à exécuter, dans tous leurs développements, les projets de Robert, qu’il fallut faire certains sacrifices, probablement à cause de l’insuffisance reconnue des ressources futures. Le plan du premier étage de la cathédrale de Reims est loin de répondre à la puissance des soubassements. Cependant il est certain que l’on suivit, autant que possible, en diminuant le volume des points d’appuis, les projets primitifs ; et il faut une attention particulière, et surtout la connaissance des constructions de cette époque, pour reconnaître ces changements apportés aux plans de Robert de Coucy. Nous essayerons toutefois de les rendre saisissables pour tout le monde, car ce fait ne laisse pas d’avoir une grande importance pour l’histoire de nos cathédrales, d’autant plus qu’il se reproduit partout à cette époque.

Voici d’abord (fig. 14) une coupe transversale de la nef de la cathédrale de Reims. Il est facile de reconnaître que les contreforts, dans la hauteur du collatéral, ont une puissance, une saillie que ne motive pas la légèreté de la partie supérieure recevant les arcs-boutants ; on sera plus frappé encore de la différence de force qu’il y a entre les parties inférieures et supérieures de ces contreforts, en examinant la vue perspective extérieure d’un contrefort de la nef (fig. 15). Dans la construction des deux pignons des transsepts, la différence entre le rez-de-chaussée et les étages supérieurs est encore plus marquée. Robert de Coucy avait probablement projeté, sur ce point, des tours dont il fallut réduire la hauteur par des raisons d’économie. Une observation de détail vient appuyer la conjecture d’une modification dans les projets. Le larmier du couronnement des corniches qui passent au niveau des bas-côtés devant les contreforts des transsepts et du chœur, est muni de petits repos horizontaux, espacés les uns des autres de 0,40 c. à 0,50 c., qui forment comme des créneaux, et que Villart de Honnecourt, contemporain et ami de Robert de Coucy, appelle, dans ses curieuses notes, des carniaux réservés sur la pente des larmiers pour permettre aux ouvriers de circuler autour des contreforts, à l’extérieur (fig. 16). Cela est fort ingénieux et bien entendu, puisque la pente des larmiers ne permettrait pas, sans ce secours, de passer devant les parements des contreforts à toutes hauteurs. Or ces carniaux, dont parle Villart, n’existent que sur les larmiers couronnant le rez-de-chaussée. Robert de Coucy eût cependant, s’il eût continué l’œuvre, réservé à plus forte raison des passages semblables dans les parties élevées de l’édifice ; mais les parements qui se dressent au-dessus de ces larmiers à carniaux, au lieu d’affleurer l’arête supérieure du lit du larmier, ainsi que l’indique la fig. 17, sont en retraite, comme l’indique la fig. 17 bis. Donc, alors, les