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et les martyrs ; les tentures et les linges de l’autel, ce sont les confesseurs, les vierges et tous les saints, dont le Seigneur dit au prophète : « Tu te revêtiras d’eux comme d’un vêtement… » On place encore sur l’autel même, dans certaines églises, le tabernacle (tabernaculum), dont il a été parlé au chapitre de l’Autel.

« Aux coins de l’autel sont placés à demeure deux chandeliers, pour signifier la joie des deux peuples qui se réjouirent de la nativité du Christ ; ces chandeliers, au milieu desquels est la croix, portent de petits flambeaux allumés ; car l’ange dit aux pasteurs : « Je vous annonce une grande joie qui sera pour tout le peuple, parce qu’aujourd’hui vous est né le Sauveur du monde… »

« Le devant de l’autel est encore orné d’une frange d’or, selon cette parole de l’Exode (chap. xxv et xxviii) : « Tu me construiras un autel, et tu l’entoureras d’une guirlande haute de quatre doigts.

« Le livre de l’Évangile est aussi placé sur l’autel, parce que l’Évangile a été publié par le Christ lui-même et que lui-même en rend témoignage. » En parlant des voiles, l’évêque de Mende s’exprime ainsi : « Il est à remarquer que l’on suspend trois sortes de voiles dans l’église, à savoir : celui qui couvre les choses saintes, celui qui sépare le sanctuaire du clergé, et celui qui sépare le clergé du peuple… Le premier voile, c’est-à-dire les rideaux que l’on tend des deux côtés de l’autel, et dont le prêtre pénètre le secret, a été figuré d’après ce qu’on lit dans l’Exode (xxxiv)… Le second voile, ou courtine, que, pendant le carême et la célébration de la messe, on étend devant l’autel, tire son origine et sa figure de celui qui était suspendu dans le tabernacle et qui séparait le Saint des saints du lieu saint… Ce voile cachait l’arche au peuple, et il était tissu avec un art admirable et orné d’une belle broderie de diverses couleurs ;… et, à son imitation, les courtines sont encore aujourd’hui tissues de diverses couleurs très-belles…

« Dans quelques églises, l’autel, dans la solennité de Pâques, est orné de couvertures précieuses, et l’on met dessus des voiles de trois couleurs : rouge, gris et noir, qui désignent trois époques. La première leçon et le répons étant finis, on ôte le voile noir, qui signifie le temps avant la loi. Après la seconde leçon et le répons, on enlève le voile gris, qui désigne le temps sous la loi. Après la troisième leçon, on ôte le voile rouge, qui signifie l’époque de la grâce, dans laquelle, par la Passion du Christ, l’entrée nous a été et nous est encore ouverte au Saint des saints et à la gloire éternelle. »

Quelque longues que soient ces citations, on comprendra leur importance et leur valeur ; elles jettent une grande clarté sur le sujet qui nous occupe. Tant que le clergé maintint les anciennes traditions, et jusqu’au moment où il fut entraîné par le goût quelque peu désordonné du XVIe siècle, il sut conserver à l’autel sa signification première. L’autel demeura le symbole visible de l’ancienne et de la nouvelle loi. Chacune des parties qui le composaient rappelait les saintes Écritures, ou les grands