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saillants, l’ouverture des angles de leurs faces et de leurs flancs, que par la solidité des constructions.

Il est curieux de suivre pas à pas toutes les tentatives des architectes et ingénieurs de cette époque : comme toujours, les dispositions les plus simples sont celles qui sont adoptées en dernier lieu. L’art de battre en brèche faisait des progrès rapides, il fallait, chaque jour, opposer de nouveaux obstacles aux feux convergents des assiégeants. Longtemps les constructeurs militaires se préoccupèrent de couvrir leurs batteries, de les masquer jusqu’au moment de l’assaut, plutôt que de battre au loin les abords des forteresses, et d’opposer à une armée d’investissement un grand nombre de bouches à feu pouvant faire converger leurs projectiles sur tous les points de la circonférence. Ce ne fut que quand l’artillerie de siège fut bien montée, nombreuse, qu’elle eut perfectionné son tir, et que les batteries de ricochet purent atteindre des défenses masquées, que l’on sentit la nécessité d’allonger les faces des boulevards, de remplacer les orillons, qui ne préservaient plus les pièces destinées à enfiler les courtines, par des flancs étendus et enfilant les faces des boulevards voisins ; mais alors les boulevards prirent le nom de bastions[1]. La dénomination de boulevard fut conservée aux promenades plantées d’arbres qui s’établirent sur les anciens ouvrages de défense.

La grande artère qui, à Paris, entoure la rive droite, de la Madeleine à la Bastille, a longtemps laissé voir la trace des anciens boulevards sur lesquels elle passait. Les nivellements et alignements opérés depuis une vingtaine d’années ont à peu près détruit ces derniers vestiges des défenses de l’enceinte du nord commencée en 1536, et successivement augmentée jusque sous Louis XIII. « En ce temps-là, dit Sauval[2], les ennemis étoient si puissans en Picardie, qu’ils ne menaçoient pas moins que de venir forcer Paris ; le cardinal du Bellay, lieutenant général pour le roy, tant dans la ville que par toute l’Isle de France, en étant averti, pour les mieux recevoir, outre plusieurs tranchées, fit faire des fossés et des boulevards, depuis la porte Saint-Honoré jusqu’à celle de Saint-Antoine, et afin que ce travail allât vite, en 1536, les officiers de la ville s’étant assemblés le 29 juillet, deffendirent à tous les artisans l’exercice de leur métier deux mois durant, avec ordre aux seize quarteniers de lever seize mille manœuvres, et de plus à ceux des faux-bourgs, d’en fournir une fois autant, sinon que leurs maisons seroient rasées… En 1544,

  1. Voy. l’article Architecture Militaire. Parmi les ouvrages à consulter : Della fortif. delle Città, di M. Girol. Maggi, et del capitan Jacomo Castriotto ; 1583, Venetia. — Disc. sur plusieurs poincts de l’architecture de guerre, par M. Aurel. de Pasino ; 1579, Anvers. — Delle fortif., di Giov. Scala ; 1596, Rome. — Le fortif., di Buonaiuto Lorini ; 1609, Venetia. — La fortif. démonstrée, par Errard de Bar-le-Duc ; 1620. — Les Fortifications, du chev. Ant. Deville ; 1641, Lyon. — La fort. Guardia difesa et expug. delle fortezze. Tensini ; 1655, Venetia. — Fortif. ou Archit. milit., par S. Marolois ; 1627, Amsterdam.
  2. T. I, p. 43