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AUTEL, s. m. Tout ce que l’on peut savoir des autels de la primitive Église, c’est qu’ils étaient indifféremment de bois, de pierre ou de métal. Pendant les temps de persécution, les autels étaient souvent des tables de bois que l’on pouvait facilement transporter d’un lieu à un autre. L’autel de Saint-Jean de Latran était de bois. L’empereur Constantin ayant rendu la paix à l’Église chrétienne, saint Sylvestre fit placer ostensiblement dans cette basilique l’autel de bois qui avait servi dans les temps d’épreuves, avec défense qu’aucun autre que le pape n’y dît la messe. Ces autels de bois étaient faits en forme de coffre, c’est-à-dire qu’ils étaient creux. Saint-Augustin raconte que Maximin, évêque de Bagaï en Afrique, fut massacré sous un autel de bois que les Donatistes enfoncèrent sur lui. Grégoire de Tours se sert souvent du mot archa, au lieu d’ara ou d’altare, pour désigner l’autel. Ces autels de bois étaient revêtus de matières précieuses, or, argent et pierreries. L’autel de Sainte-Sophie de Constantinople, donné par l’impératrice Pulchérie, consistait en une table d’or garnie de pierreries.

Il est d’usage depuis plusieurs siècles d’offrir le saint sacrifice sur des autels de pierre, ou si les autels sont de bois ou de toute autre matière, faut-il qu’il y ait au milieu une dalle de pierre consacrée ou autel portatif. Il ne semble pas que les autels portatifs consacrés aient été admis avant le VIIIe siècle, et l’on pouvait dire la messe sur des autels d’or, d’argent ou de bois. Théodoret, évêque de Cyr, qui vivait pendant la première moitié du Ve siècle, célébra les divins mystères sur les mains de ses diacres, à la prière du saint ermite Maris, ainsi qu’il le dit dans son Histoire religieuse[1]. Théodore, archevêque de Cantorbéry, mort en 690, fait observer, dans son Pénitentiel[2] qu’on peut dire la messe en pleine campagne sans autel portatif, pourvu qu’un prêtre, ou un diacre, ou celui même qui dit la messe, tienne le calice et l’oblation entre ses mains. Les autels portatifs paraissent avoir été imposés dans les cas de nécessité absolue dès le VIIIe siècle. Béde, dans son Histoire des Anglais, parle d’autels portatifs que les deux Ewaldes portaient avec eux partout où ils allaient[3]. Hincmar, archevêque de Reims, mort en 882, permit, dans ses Capitulaires, l’usage des autels portatifs[4] en pierre, en marbre, ou en mosaïques. Pendant les XIe et XIIe siècles, ces autels portatifs devinrent fort communs ; on les

  1. … « Ego vero libenter obtemperavi, et sacra vasa adferri jussi (nec enim procul aberat locus). Diaconumque manibus utens pro altari, mysticum et divinum ac salutare sacrificium obtuli. »
  2. Cap. II.
  3. Ducange, Gloss.
  4. Cap. III. «…Nemo presbyterorum in altario ab episcopo non consecrato cantare presumat. Quapropter si necessitas poposcerit, donec ecclesia vel altaria consecrentur, et in capellis etiam quæ consecrationem non merentur, tabulam quisque presbyter, cui necessarium fuerit, de marmore, vel nigra petra, aut titro honestissimo, secundum suam possibilitatem, honeste affectatam habeat, et nobis ad consecrandum offerat, quam secum, cum expedierit, deserat, in qua sacra mysteria secundum ritum ecclesiarum agere valeat. »