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glisser. Mais ce sont là des exceptions ; les portions d’arcs de cercle sont toujours préférées par les appareilleurs anciens (24), du moment que les portées sont trop grandes pour permettre l’emploi de linteaux d’un seul morceau.

Depuis l’époque romane jusqu’au XVe siècle exclusivement on ne ravalait pas les édifices, les pierres n’étaient point posées épannelées, mais complètement taillées et achevées. Tout devait donc être prévu par l’appareilleur sur le chantier avant la pose. Aussi jamais un joint ne vient couper gauchement un bas-relief, un ornement ou une moulure. Les preuves de ce fait intéressant abondent : 1o les marques de tâcherons qui se rencontrent sur les pierres ; 2o les coups de bretture, qui diffèrent à chaque pierre ; 3o l’impossibilité de refouiller certaines moulures ou sculptures après la pose comme dans la fig. 8, par exemple ; 4o les tracés des fonds de moulures que l’on retrouve dans les joints derrière les ornements (25) ;

5o les erreurs de mesures, qui ont forcé les poseurs de couper parfois une portion d’une feuille d’une sculpture pour faire entrer à sa place une pierre taillée sur le chantier ; 6o les combinaisons et pénétrations de moulures de meneaux, qu’il serait impossible d’achever sur le tas si la pierre eût été posée épannelée seulement ; 7o enfin, ces exemples si fréquents d’édifices non terminés, mais dans lesquels les dernières pierres posées sont entièrement achevées comme taille ou sculpture.

Au XVe siècle le système d’appareil se modifie profondément. Le désir de produire des effets extraordinaires, la profusion des ornements, des pénétrations de moulures, l’emportent sur l’appareil raisonné prenant pour base la nature des matériaux employés. C’est alors la décoration qui commande l’appareil souvent en dépit des hauteurs de bancs ; il en résulte de fréquents décrochements dans les lits et les joints, des déchets considérables de pierre, des moyens factices pour maintenir ces immenses galbes à jour, ces porte-à-faux ; le fer vient en aide au constructeur pour accrocher ces