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bien, et par manière que une autreffois ne parle ou médie ainsi deshonnestement des dames, comme il a accoutumé[1]. »

Ces timbres, dont on surmonta les écussons armoyés, ne furent, comme les supports et tenants, que des accessoires variables pendant le cours du XVe siècle. Un noble qui avait jouté d’une façon brillante pendant la durée d’un tournoi, la tête couverte d’un heaume timbré de quelque emblème singulier, et sous le nom du chevalier de la licorne, du dragon, etc., timbrait de ce heaume l’écu des armes de sa famille, pendant un certain temps, ou sa vie durant, si de nouvelles prouesses ne faisaient oublier les premières. Ce ne fut qu’à la fin du XVe siècle que l’on adopta pour les timbres, comme pour les couronnes, des formes qui indiquèrent le degré de noblesse ou les titres des nobles (voy. Lambrequin, Timbre). Ce n’est qu’au XVIIe siècle que les armes de France furent couvertes et enveloppées d’un pavillon ou tente, c’est-à-dire d’un baldaquin et de deux courtines, ce support ou enveloppe étant réservée depuis lors pour les empereurs et rois. Voici comment se blasonnaient ces armes : d’azur à trois fleurs de lis d’or, deux et une, l’écu environné des colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, timbré d’un casque entièrement ouvert, d’or ; par dessus, la couronne fermée à l’impériale de huit rayons, hautement exhaussée d’une double fleur de lis d’or, qui est le cimier ; pour tenants, deux anges vêtus de la cotte d’arme de France ; le tout couvert du pavillon royal semé de France, doublé d’hermine, et pour devise : « Lilia non laborant, neque nent. » Sous Henri IV et Louis XIII, l’écu de Navarre était accolé à celui de France, et l’un des anges était vêtu de la cotte d’armes de Navarre. Jusqu’à Charles V, les fleurs de lis étaient sans nombre sur champ d’azur ; ce fut ce prince qui réduisit leur nombre à trois en l’honneur de la Sainte-Trinité. Depuis le XVIIe siècle, les ducs et pairs enveloppèrent leurs armes du pavillon, mais à une seule courtine. L’origine de cette enveloppe est, comme nous l’avons vu plus haut, le pavillon dans lequel les tournoyeurs se retiraient avant ou après l’entrée en lice, et non point le manteau impérial, royal ou ducal ; c’est donc un contre-sens de placer la couronne au-dessus du pavillon, le pavillon devrait au contraire recouvrir la couronne ; et, en effet, dans les premières armes peintes avec le pavillon, la couronne est posée sur l’écu, et le pavillon enveloppe le tout. Cette erreur, que nous voyons se perpétuer, indique combien il est essentiel, en fait d’armoiries, de connaître les origines de toutes les parties principales ou accessoires qui les doivent composer.

Le clergé régulier et séculier, comme seigneur féodal, adopta des armes dès le XIIIe siècle ; c’est-à-dire que les abbayes, les chapitres, les évêchés eurent leurs armes ; ce qui n’empêcha pas les évêques de porter leurs armes héréditaires. Ceux-ci, pour distinguer leurs écussons de ceux des membres séculiers de leur famille, les surmontèrent du chapeau épiscopal ou

  1. Traicté de la forme et dev. d’ung tournoy, Bib. imp. man. 8351 ; et les Œuvres chois. du roi Réné, par M. le comte de Quatrebarbes. Angers, 1835.