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existait au commencement du XVIe siècle[1], qui fait comprendre le système de défense et d’attaque des places du temps de François Ier. On remarque ici le mélange des défenses anciennes et nouvelles, une confusion incroyable de tours, de réduits isolés par des fossés. En A l’armée assiégeante a établi des batteries derrière des gabionnades, protégées par des bastilles B, sortes de redoutes circulaires en terre tenant lieu des places d’armes modernes, mais commandant les ouvrages antérieurs des assiégés. En C on voit des boulevards, flanqués par des tours en avant des portes ; en D des courtines non terrassées, mais couronnés de chemins de ronde ; au rez-de-chaussée sont disposées des batteries couvertes dont les embrasures se voient partout en E, tandis que les parties supérieures paraissent uniquement réservées aux arbalétriers, archers ou arquebusiers, et sont munies encore de leurs machicoulis. En F est un boulevard entourant la partie la plus faible du château, dont il est séparé par un fossé plein d’eau. Ce boulevard est appuyé à gauche en G par un ouvrage assez bien flanqué, et à droite en H par une sorte de réduit ou donjon défendu suivant l’ancien système. De ces deux ouvrages on communique au corps de la place par des ponts à bascule. Le château est divisé en trois parties séparées par des fossés et pouvant s’isoler. En avant de la porte qui se trouve sur le premier plan en I et le long de la contrescarpe du fossé est disposé un chemin de ronde avec des traverses pour empêcher l’assiégeant de prendre le flanc K en écharpe et de le détruire. Mais il est aisé de comprendre que tous ces ouvrages sont trop petits, ne présentent pas des flancs assez étendus, qu’ils peuvent être bouleversés rapidement les uns après les autres, si l’assiégeant possède une artillerie nombreuse, dont les feux convergents viennent les battre seulement en changeant la direction du tir. Aussi à cette époque déjà, pour éviter que ces ouvrages trop rapprochés ne fussent détruits en même temps par une seule batterie qui pouvait les enfiler d’assez près, on élevait dans l’intérieur des places, au milieu des bastions, des terrassements circulaires ou carrés, pour battre les bastilles terrassées des assiégeants. Cet ouvrage fut fréquemment employé pendant le XVIe siècle et depuis, et prit le nom de cavalier ou plate-forme ; il devint d’une grande ressource pour la défense des places, soit qu’il fût permanent soit qu’il fût élevé pendant le siége même, pour découvrir les boyaux de tranchées, pour prendre en écharpe les batteries de siége, ou pour dominer une brèche profonde et enfiler les fossés lorsque les embrasures des flancs des bastions étaient détruites par le feu de l’ennemi. À l’état permanent, les cavaliers furent fréquemment élevés pour dominer des passages, des routes, des portes et surtout des ponts, lorsque ceux-ci, du côté opposé à la ville, débouchaient au bas d’un escarpement sur lequel l’ennemi pouvait établir des batteries destinées à protéger une attaque, et empêcher l’assiégé de se tenir en forces de l’autre côté. Le pont de Marseille traversant le ravin qui coupait autrefois la route d’Aix

  1. Gravure allemande du XVIe siècle, tirée du cabinet de M. Alfred Gérente.