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tranchées furent employées comme moyen d’approche concurremment avec les couverts en bois… Aux frères Bureau revient l’honneur d’avoir les premiers fait l’emploi le plus judicieux de l’artillerie à feu dans les siéges. De sorte que les obstacles tombèrent devant eux, les murailles frappées ne résistaient plus à leurs boulets et volaient en éclats. Les villes que défendaient les Anglais et qu’ils avaient mis des mois entiers à assiéger, lors de leur invasion, furent enlevées en peu de semaines. Ils avaient employé quatre mois à assiéger Harfleur, en 1440 ; huit mois à assiéger Rouen, en 1418 ; dix mois à s’emparer de Cherbourg, en 1418, tandis qu’en 1450, toute la conquête de la Normandie, qui obligea à entreprendre soixante siéges, fut accomplie par Charles VII en un an et six jours[1].

« L’influence morale exercée par la grosse artillerie est devenue si grande qu’il suffit de son apparition pour faire rendre les villes.

«… Disons-le donc, en l’honneur de l’arme, c’est autant aux progrès de l’artillerie qu’à l’héroïsme de Jeanne d’Arc, que la France est redevable d’avoir pu secouer le joug étranger de 1428 à 1450. Car, la crainte que les grands avaient du peuple, les dissensions des nobles eussent peut-être amené la ruine de la France, si l’artillerie, habilement conduite, ne fût venue donner au pouvoir royal une force nouvelle, et lui fournir à la fois le moyen de repousser les ennemis de la France et de détruire les châteaux de ces seigneurs féodaux qui n’avaient point de patrie.

« Cette période de l’histoire signale une ère nouvelle. Les Anglais ont été vaincus par les armes à feu, et le roi, qui a reconquis son trône avec des mains plébéiennes, se voit pour la première fois à la tête de forces qui n’appartiennent qu’à lui. Charles VII, qui naguère empruntait aux villes leurs canons pour faire les siéges, possède une artillerie assez nombreuse pour établir des attaques devant plusieurs places à la fois, ce qui excite à juste titre l’admiration des contemporains. Par la création des compagnies d’ordonnance et par l’établissement des francs-archers, le roi acquiert une cavalerie et une infanterie indépendantes de la noblesse… »

    mage aux Anglois, car neuf d’eux y furent prins prisonniers ; et outre, en y tua Maistre-Jean d’une coulevrine cinq à deux coups. » Hist. et discours du siége qui fut mis devant la ville d’Orléans (Orléans 1611).

  1. «… Et fut mis le siége à Cherbourg. Et se logea mon dict seigneur d’un costé, et monseigneur de Clermont de l’autre. Et l’admirat de Coitivi, et le marschal, et Joachim de l’autre costé devant une porte. Et y fut le siège bien un mois, et y furent rompues et empirées neuf ou dix bombardes que grandes que petites. Et y vinrent les Anglois par mer, entre autres une grosse nef nommée la nef Henry, et y commença un peu de mortalité, et y eut monseigneur bien à souffrir, car il avoit toute la charge. Puis feit mettre quatre bombardes devers la mer en la grève quand la mer estoit retirée. Et quand la mer venoit, toutes les bombardes estoient couvertes, manteaux et tout, et estoient toutes chargées, et en telle manière habillées, que dès ce que la mer estoit retirée on ne faisoit que mettre le feu dedans, et faisoient aussi bonne passée comme si elles eussent esté en terre ferme. » Hist. d’Artus III, ibid., p. 149.