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bientôt toutes les conditions de l’attaque et de la défense des places. Peu importante encore au commencement du XVe siècle, l’artillerie à feu prend un grand développement vers le milieu de ce siècle. « En France, dit l’illustre auteur déjà cité[1], la guerre de l’Indépendance contre les Anglais avait réveillé le génie guerrier de la nation, et, non-seulement l’héroïque Jeanne d’Arc s’occupait elle-même de diriger l’artillerie[2] ; mais deux hommes éminents sortis du peuple, les frères Bureau, apportèrent tous leurs soins à perfectionner les bouches à feu et à la conduite des siéges. Ils commencèrent à employer, quoique en petit nombre, les boulets de fer au lieu des boulets de pierre[3], et alors, un projectile du même poids occupant un plus petit volume, on put lui donner une plus grande quantité de mouvement, parce que la pièce, ayant un moindre calibre, offrit plus de résistance à l’explosion de la poudre.

Ce boulet plus dur ne se brisa plus et put pénétrer dans la maçonnerie ; il y eut avantage à augmenter sa vitesse en diminuant sa masse ; les bombardes devinrent moins lourdes, quoique leur effet fût rendu plus dangereux.

Au lieu d’élever des bastilles tout autour de la ville[4], les assiégeants établirent, devant les grandes forteresses, un parc entouré d’un retranchement situé dans une position centrale, hors de la portée du canon. De ce point, ils conduisirent un ou deux boyaux de tranchée vers les pointes où ils placèrent leurs batteries[5]… Nous sommes arrivés au moment où les

    « en la garde et en la deffense de la ville de Cambray. » Original parchemin, parmi les titres scellés de Clairambault, vol. XXV, fol. 1825. Bibl. de l’école des Chartes, t. VI, p. 51. «…Pour salpêtre et suffre viz et sec achetez pour les canons qui sont à Cambray, onze livres quatre soolz. III. den. tournois. » Ibid. voy. l’article de M. Lacabane, même vol. p. 28.

  1. Étud. sur le passé et l’avenir de l’artillerie, par L. Napoléon Bonaparte, présid. de la Républ., t. II, p. 96.
  2. Déposition du duc d’Alençon. Michelet, Hist. de France, t V, p. 99.
  3. Les trébuchets, pierriers, mangonneaux lançaient des boulets de pierre ; il était naturel, lorsqu’on changea le mode de projection, de conserver le projectile.
  4. Voy. le siége d’Orléans, en 1428. Nous revenons sur les travaux exécutés par les Anglais pour battre et bloquer la ville.
  5. Au siége de Caen, en 1450 : « Puis après on commença du costé de monseigneur le connestable à faire des approches couvertes, et descouvertes, dont le Bourgeois en conduisait une, et messire Jacques de Chabannes l’autre ; mais celle du Bourgeois fut la première à la muraille, et puis l’autre arriva, et fut minée la muraille en l’endroict. En telle manière que la ville eut esté prinse d’assault, si n’eust été le roy, qui ne le voulut pas, et ne voulut bailler nulles bombardes de ce costé ; de peur que les Bretons n’assaillissent. » Hist. d’Artus III, duc de Bretaigne et connest. de France, de nouveau mise en lumière, par T. Godefroy, 1622. Au siége d’Orléans, 1429 : « Le jeudy, troisième jour de mars, saillirent les François, au matin, contre les Anglois, faisant pour lors un fossé pour aller à couvert de leur boulevert de la Croix-Boissée à Saint-Ladre d’Orléans, afin que les François ne les peussent veoir ne grever de canons et bombardes. Celle saillie fist grand dom-