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Avant le XIIIe siècle, les quatre animaux sont ordinairement seuls ; mais, plus tard, ils accompagnent souvent les évangélistes qu’ils sont alors destinés à faire reconnaître. Cependant, nous citerons un exemple curieux de statues d’évangélistes de la fin du XIIe siècle, qui portent entre leurs bras les animaux symboliques. Ces quatre statues sont adossées à un pilier du cloître de Saint-Bertrand de Comminges (2).

La décoration des édifices religieux et civils présente une variété infinie d’animaux fantastiques pendant la période du moyen âge. Les bestiaires des XIIe et XIIIe siècles attribuaient aux animaux réels ou fabuleux des qualités symboliques dont la tradition s’est longtemps conservée dans l’esprit des populations,

grâce aux innombrables sculptures et peintures qui couvrent nos anciens monuments ; les fabliaux venaient encore ajouter leur contingent à cette série de représentations bestiales. Le lion, symbole de la vigilance, de la force et du courage ; l’antula, de la cruauté ; l’oiseau caladre, de la pureté ; la sirène ; le pélican, symbole de la charité ; l’aspic, qui garde les baumes précieux et résiste au sommeil ; la chouette, la guivre, le phénix ; le basilic, personnification du diable ; le dragon, auquel on prêtait des vertus si merveilleuses (voy. les Mélang. archéol. des RR. PP. Martin et Cahier), tous ces animaux se rencontrent dans les chapiteaux des XIIe et XIIIe siècles, dans les frises, accrochés aux angles des monuments, sur les couronnements des contre-forts, des balustrades. À Chartres, à Reims, à Notre-Dame de Paris, à Amiens, à Rouen, à Vézelay, à Auxerre, dans les monuments de l’ouest ou du centre, ce sont des peuplades d’animaux bizarres, rendus toujours avec une grande énergie. Au sommet des deux tours de la façade de la cathédrale de Laon, les sculpteurs du XIIIe siècle ont placé, dans les pinacles à jour, des animaux d’une dimension colossale (3).

Aux angles des contre-forts du portail de Notre-Dame de Paris, on voit aussi sculptées d’énormes bêtes, qui, en se découpant sur le ciel, donnent la vie à ces masses de pierre (4). Les balustrades de la cathédrale de Reims sont surmontées d’oiseaux bizarres, drapés, capuchonnés. Dans des édifices plus anciens, au XIIe siècle, ce sont des frises d’animaux qui s’entrelacent, s’entre-dévorent (5) ; des chapiteaux sur lesquels sont figurés des êtres étranges, quelquefois moitié hommes, moitié bêtes ; possédant deux corps pour une tête, ou deux têtes pour un corps ; les églises