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d’Aigues-Mortes (25), dont les remparts (sauf la tour de Constance A qui avait été bâtie par saint Louis et qui servait de donjon et de phare) furent élevés par Philippe le Hardi[1].

Mais c’est aux angles saillants des places que l’on reconnut surtout la nécessité de disposer des défenses d’une grande valeur. Comme encore aujourd’hui, l’assaillant regardait un angle saillant comme plus facile d’accès qu’un front flanqué. Les armes de jet n’étant pas d’une grande portée jusqu’au moment de l’emploi du canon, les angles saillants ne pouvant être protégés par des défenses éloignées étaient faibles (26) ; et lorsque l’assaillant avait pu se loger en A, il était complètement masqué pour les défenses rapprochées. Il fallait donc que les tours du coin, comme on les appelait généralement alors, fussent très-fortes par elles-mêmes. On les bâtissait sur une circonférence plus grande que les autres, on les tenait plus haute, on multipliait les obstacles à leur base à l’extérieur, par des fossés plus larges, des palissades, quelquefois même des ouvrages avancés, on les armait de

  1. « Philippe le Hardi, parti de Paris au mois de février 1272 à la tête d’une armée nombreuse, pour aller prendre possession du comté de Toulouse, et pour châtier en passant la révolte de Roger Bernard, comte de Foix, s’arrêta à Marmande. Là, il signa, dans le mois de mai, avec Guillaume Boccanegra, qui l’avait joint dans cette ville, un traité par lequel celui-ci s’engageait à consacrer 5 000 liv. tournois (88 500 fr.) à la construction des remparts d’Aigues-Mortes, moyennant l’abandon que le roi lui faisait, à titre de fief, ainsi qu’à ses descendants, de la moitié des droits domaniaux auxquels la ville et le port étaient assujettis. Les lettres patentes données à cet effet furent contre-signées, pour les rendre plus authentiques, par les grands officiers de la couronne. En même temps, et pour contribuer aux mêmes dépenses, Philippe ordonna qu’on lèverait, outre le denier pour livre déjà établi, un quarantième sur toutes les marchandises qui entreraient à Aigues-Mortes par terre ou par mer » (Hist. géner. du Languedoc. Reg. 30 du trésor des chartes, no 441, Hist. d’Aigues-Mortes, par F. Em. di Pietro, 1849.)