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assauts n’ont pas de résultats ; pendant ce temps les Provençaux pressent de plus en plus le château (le capitole). «…Mais ceux de la ville ont élevé contre (les croisés enfermés dans le château) des engins dont ils battent de telle sorte le capitole et la tour de guet, que les poutres, la pierre et le plomb en sont fracassés ; et à la Sainte-Pâques est dressé le bosson, lequel est long, ferré, droit, aigu, qui tant frappe, tranche et brise, que le mur est endommagé, et que plusieurs pierres s’en détachent çà et là ; et les assiégés, quand ils s’en aperçoivent ne sont pas découragés. Ils font un lacet de corde qui est attaché à une machine de bois, et au moyen duquel la tête du bosson est prise et retenue. De cela ceux de Beaucaire sont grandement troublés, jusqu’à ce que vienne l’ingénieur qui a mis le bosson en mouvement. Et plusieurs des assiégeants se sont logés dans la roche, pour essayer de fendre la muraille à coups de pics aiguisés. Et ceux du capitole les ayant-aperçus, cousent, mêlés dans un drap, du feu, du soufre et de l’étoupe, qu’ils descendent au bout d’une chaîne le long du mur, et lorsque le feu a pris et que le soufre se fond, la flamme et l’odeur les suffoquent à tel point (les pionniers), que pas un d’eux ne peut demeurer ni ne demeure. Mais ils vont à leurs pierriers, les font jouer si bien, qu’ils brisent et tranchent les barrières et les poutres[1]. »

Ce curieux passage fait connaître quels étaient les moyens employés alors pour battre de près les murailles, lorsqu’on voulait faire brèche, et que la situation des lieux ne permettait pas de percer des galeries de mines, de poser des étançons sous les fondations, et d’y mettre le feu. Quant aux

  1. ………
    Pero ilh de la vila lor an tals gens tendutz
    Quel capdolh el miracle (mirador, tour du guet) son aisi combatutz
    Que lo fust e la peira e lo ploms nes fondutz
    E a la santa Pasca es lo bossos tendutz
    Ques be loncs e ferratz e adreitz e agutz
    Tant fer trenca e briza que lo murs es fondutz
    Quen mantas de maneiras nals cairos abatutz
    E cels dins can o viron no son pas esperdutz
    Ans feiron latz de corda ques ab lengenh tendutz
    Ab quel cap del bosso fo pres e retengutz
    Don tuit cels de Belcaire fortment son irascutz
    Tro que venc lenginaire per que lor fo tendutz
    E de dins en la roca na intra descondutz
    Que cuiderol mur fendre ab los pics esmolutz
    E cels del capdolh preson cant los i an saubutz
    Foc e solpre e estopa ins en un drap cozuts
    E an leus ab cadena per lo mur dessendutz
    E can lo focs salumpna et solpres es fondutz
    La sabors e la flama los a si enbegutz
    Cus dels noi pot remandre ni noi es remazutz
    E pois ab las peireiras son saisi defendutz
    Que debrizan e trencan las barreiras els futz…

    (Hist. de la croisade contre les Albigeois, docum. inéd. sur l’Hist. de France, Ire série, vers 1184 et suiv.)