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« le lundi 17 septembre 1240. Et aussitôt, nous qui étions dans la place, leur avons enlevé le bourg Graveillant, qui est en avant de la porte de Toulouse, et là, nous avons eu beaucoup de bois de charpente, qui nous a fait grand bien. Ledit bourg s’étendait depuis la barbacane de la cité jusqu’à l’angle de ladite place. Le même jour, les ennemis nous enlevèrent un moulin, à cause de la multitude de gens qu’ils avaient[1] ; ensuite Olivier de Termes, Bernard Hugon de Serre-Longue, Géraut d’Aniort, et ceux qui étaient avec eux se campèrent entre l’angle de la ville et l’eau[2], et, le jour même à l’aide des fossés qui se trouvaient là, et en rompant les chemins qui étaient entre eux et nous, ils s’enfermèrent pour que nous ne pussions aller à eux.

D’un autre côté, entre le pont et la barbacane du château, se logèrent Pierre de Fenouillet et Renaud du Puy, Guillaume Fort, Pierre de la Tour et beaucoup d’autres de Carcassonne. Aux deux endroits, ils avaient tant d’arbalétriers, que personne ne pouvait sortir de la ville.

Ensuite ils dressèrent un mangonneau contre notre barbacane ; et nous, nous dressâmes aussitôt dans la barbacane une pierrière turque[3] très-bonne, qui lançait des projectiles vers ledit mangonneau et autour de lui ; de sorte que, quand ils voulaient tirer contre nous, et qu’ils voyaient mouvoir la perche de notre pierrière, ils s’enfuyaient et abandonnaient entièrement leur mangonneau ; et là ils firent des fossés et des palis. Nous aussi, chaque fois que nous faisions jouer la pierrière, nous nous retirions de ce lieu, parce que nous ne pouvions aller à eux, à cause des fossés, des carreaux et des puits qui se trouvaient là.

Ensuite, Madame, ils commencèrent une mine contre la barbacane de la porte Narbonnaise[4] ; et nous aussitôt, ayant entendu leur travail souterrain, nous contre-minâmes, et nous fîmes dans l’intérieur de la barbacane, un grand et fort mur en pierres sèches, de manière que nous gardions bien la moitié de la barbacane, et alors, ils mirent le feu au trou qu’ils faisaient ; de sorte que, les bois s’étant brûlés, une portion antérieure de la barbacane s’écroula.

Ils commencèrent à miner contre une autre tourelle des lices[5] ; nous

  1. C’était Le moulin du roi probablement, situé entre la barbacane du château et l’Aude
  2. À l’ouest, voy. fig.9.
  3. « Postea dressarunt mangonellum quemdam ante nostram barbacanam, et nos « contra illum statim dressavimus quamdam petrariam turquesiam valde bonam, infra… ».
  4. À l’est, voy. fig. 9.
  5. Au sud, voy. fig. 9. On appelait lices une muraille extérieure ou une palissade de bois que l’on établissait en dehors des murailles et qui formait une sorte de chemin couvert : presque toujours un fossé peu profond protégeait les lices, et quelquefois un second fossé se trouvait entre elles et les murs. Par extension on donna le nom de lices aux espaces compris entre les palissades et les murs de la place, et aux enceintes extérieures même lorsqu’elles furent plus tard construites en maçonnerie et