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gate, disent les barons (au comte de Montfort), des coups vous la garantirez. Par Dieu, dit le comte, c’est ce que nous verrons tout à l’heure. Et quand la gate tourne, elle continue ses petits pas saccadés. Le trébuchet vise, prépare son jet, et lui donne un tel coup à la seconde fois, que le fer et l’acier, les solives et chevilles sont tranchés et brisés. » Et plus loin : « Le comte de Montfort a rassemblé ses chevaliers, les plus vaillants pendant le siège et les mieux éprouvés ; il a fait (à sa gate) de bonnes défenses munies de ferrures sur la face, et il a mis dedans ses compagnies de chevaliers, bien couverts de leurs armures et les heaumes lacés ; ainsi on pousse la gate vigoureusement et vite ; mais ceux de la ville sont bien expérimentés : ils ont tendu et ajusté leurs trébuchets, et ont placé dans les frondes de beaux morceaux de roches taillés, qui, les cordes lâchées, volent impétueux, et frappent la gate sur le devant et les flancs si bien, aux portes, aux planchers, aux arcs entaillés (dans le bois), que les éclats volent de tous côtés, et que de ceux qui la poussent beaucoup sont renversés. Et par toute la ville il s’élève un cri : Par Dieu ! dame fausse gate, jamais ne prendrez rats[1]. »

Guillaume Guiart, à propos du siége de Boves par Philipe Auguste, parle ainsi des chats :

Devant Boves fit l’ost de France,
Qui contre les Flamans contance,
Li mineur pas ne sommeillent,
Un chat bon et fort appareillent,
Tant eurent dessous, et tant cavent,
Qu’une grant part du mur destravent…

Et en l’an 1205 :

Un chat font sur le pont atraire,
Dont pieça mention feismes,
Qui fit de la roche meisme,
Li mineur desous se lancent,
Le fort mur à miner commencent,
Et font le chat si aombrer,
Que riens ne les peut encombrer.

Afin de protéger les travailleurs qui font une chaussée pour traverser un bras du Nil, saint Louis « fist faire deux baffraiz, que on appelle Chas Chateilz. Car il y avoit deux chateilz devant les chas, et deux maisons

  1. Hist. de la croisade contre les hérétiques albigeois, écrite en vers provençaux, publ. par M. C. Fauriel. Coll. de docum. inéd. sur l’Hist. de France, 1re série, et le manusc. de la Bibl. Imp. (fonds La Vallière, n°91). Ce manuscrit est d’un auteur contemporain, témoin oculaire de la plupart des faits qu’il raconte ; l’exactitude des détails donne à cet ouvrage un grand intérêt ; nous signalons à l’attention de nos lecteurs la description de la gate et de sa marche par petits sauts « entrel mur el castel ela venc de sautetz, » qui peint avec énergie le trajet de ces lourdes charpentes roulantes s’avançant par soubresauts. Pour insister sur ces détails, il faut avoir vu.