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neaux dans des fenêtres, mais il s’agit avant tout d’être vrai dans l’emploi des matériaux, comme dans l’application des formes aux besoins. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, si les fenêtres en tiers-point sont employées dans la construction des églises ou des grandes salles voûtées, cela est parfaitement justifié par les formerets des voûtes qui, étant eux-mêmes en tiers-point, commandent la forme de la baie destinée à faire pénétrer la lumière à l’intérieur ; mais dans les habitations dont les étages sont séparés par des planchers horizontaux, l’emploi de la fenêtre en tiers-point serait ridicule, sans raisons ; aussi voyons-nous toujours les fenêtres des habitations fermées par des linteaux ou par des arcs bombés ayant peu de flèche. Si par exception les fenêtres sont en tiers-point, un linteau peu épais ou une imposte, placée à la naissance de l’ogive, permet de poser des châssis carrés dans la partie inférieure, la seule qui soit ouvrante, et la partie supérieure de la fenêtre comprise entre les courbes est dormante.

L’architecture ogivale, née à la fin du XIIe siècle, est avant tout logique, et, par conséquent, elle doit affecter, dans les édifices religieux et dans les édifices privés, des formes très-différentes, puisque les données premières sont dissemblables. Si l’architecture appliquée aux édifices religieux s’éloigne de son principe vers le XVe siècle, si elle se charge de détails superflus qui finissent par étouffer les données générales et très-savamment combinées de la construction ; dans les édifices civils, au contraire, elle suit la marche ascendante de la civilisation, se développe, et finit, au XVIe siècle, par produire des œuvres qui, si elles ne sont pas toujours irréprochables sous le rapport du goût, sont très-remarquables comme dispositions d’ensemble, en satisfaisant aux besoins nouveaux avec une adresse et un bonheur rares. Autant qu’on peut en juger par l’examen des constructions civiles qui nous restent des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, les données générales des palais comme des maisons étaient simples. L’habitation princière se composait de cours entourées de portiques, les écuries, les logements des serviteurs et des hôtes en dehors de l’enceinte du palais. Les bâtiments d’habitation comprenaient toujours une grande salle d’un accès facile. C’était là que se réunissaient les vassaux, que l’on donnait des fêtes ou des banquets, que se traitaient les affaires qui exigeaient un grand concours de monde, que se rendait la justice. À proximité, les prisons, une salle des gardes ; puis les cuisines, offices, avec leur cour et entrée particulières. Les logements des maîtres étaient souvent rattachés à la grand’salle par un parloir et une galerie ; c’était là que l’on déposait des armes, des objets conquis, des meubles précieux, dépouilles souvent arrachées à des voisins moins heureux. Des peintures, des portraits, ornaient la galerie. Les chambres destinées à l’habitation privée étaient groupées irrégulièrement, suivant les besoins ; comme accessoires, des cabinets, des retraits, quelquefois posés en encorbellement ou pris aux dépens de l’épaisseur des murs. Ces logis étaient à plusieurs étages, et la communication entre eux était établie au moyen d’escaliers à vis auxquels on n’accédait que par des détours connus des familiers. L’influence de la demeure féodale, de la for-