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étaient établies dans le cloître Notre-Dame et dans l’abbaye de Saint-Victor, Abeilard en fonda une nouvelle qui, se réunissant à d’autres élevées autour de la sienne, constitua l’Université de Paris. La renommée de ce nouveau centre d’enseignement éclipsa bientôt toutes les écoles des grandes abbayes d’Occident.

Les établissements religieux n’avaient pas peu contribué, par le modèle d’organisation qu’ils présentaient, la solidarité entre les habitants d’un même monastère, par leur esprit d’indépendance, au développement des communes. Des chartes d’affranchissement furent accordées au XIIe siècle, non-seulement par des évêques, seigneurs temporels[1], mais aussi par des abbés. Les moines de Morimond, de Cîteaux, de Pontigny, furent des premiers à provoquer des établissements de communes autour d’eux. Tous les monastères en général, en maintenant l’unité paroissiale, enfantèrent l’unité communale, leurs archives nous donnent des exemples d’administrations municipales copiées sur l’administration conventuelle. Le maïeur, le syndic représentaient l’abbé, et les anciens appelés à délibérer sur les affaires et les intérêts de la commune, les vieillards du monastère qui aidaient l’abbé de leurs conseils[2] ; l’élection, qui était la base de l’autorité dans le monastère, était également adoptée par la commune. Plus d’une fois les moines eurent lieu de se repentir d’avoir ainsi aidé au développement de l’esprit municipal, mais ils étaient, dans ce cas comme dans bien d’autres, l’instrument dont la Providence se servait pour civiliser la chrétienté, quitte à le briser lorsqu’il aurait rempli sa mission. Avant le XIIe siècle un grand nombre de paroisses, de collégiales étaient devenues la proie de seigneurs féodaux qui jouissaient ainsi des bénéfices ecclésiastiques, enlevés au pouvoir épiscopal. Peu à peu, grâce à l’esprit de suite des ordres religieux, à leur influence, ces bénéfices leur furent concédés par la noblesse séculière, à titre de donations, et bientôt les abbés se dessaisirent de ces fiefs en faveur des évêques qui rentrèrent ainsi en possession de la juridiction dont ils avaient été dépouillés ; car il faut rendre cette justice aux ordres religieux qu’ils contribuèrent puissamment à rendre l’unité à l’Église, soit en reconnaissant et défendant l’autorité du saint-siége, soit en réunissant les biens ecclésiastiques envahis par la féodalité séculière, pour les replacer sous la main épiscopale. Des hommes tels que saint Hugues, saint Bernard, Suger, Pierre le Vénérable, avaient l’esprit trop élevé pour ne pas comprendre que l’état monastique, tel qu’il existait de leur temps, et tel qu’ils l’avaient fait, était un état transitoire, une sorte de mission temporaire, appelée à tirer la société de la barbarie, mais qui devait perdre une grande partie de son importance du jour où le succès viendrait couronner leurs efforts ; en effet, à la fin du XIIe siècle déjà, l’influence acquise par les bénédictins dans les affaires de ce monde s’affaiblissait, l’éducation sortait de leurs mains, les bourgs et villages qui s’étaient élevés autour de leurs établis-

  1. Entre autres ceux de Reims, d’Amiens, de Laon.
  2. Hist. de l’abb. de Morimond, par M. l’abbé Dubois, chap. XXIII.