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religieux ne pouvaient satisfaire entièrement l’intelligence d’hommes réunis en grand nombre, et parmi lesquels on comptait des personnages distingués, tant par leur rang que par leur éducation littéraire. Autour du petit cloître venait donc se grouper ce qui était destiné à la pâture intellectuelle du monastère : la bibliothèque, les cellules des copistes, la salle où se discutaient les thèses théologiques ; et comme pour rappeler aux religieux qu’ils ne devaient pas s’enorgueillir de leur savoir, de la vivacité de leur intelligence et des succès qu’ils pouvaient obtenir parmi leurs frères, l’infirmerie, l’asile des vieillards dont l’esprit aussi bien que le corps était affaibli par l’âge et les travaux, se trouvait là près du centre intellectuel du couvent. Entre cette salle et le dessous du dortoir, des latrines sont disposées le long des cours d’eau. À côté de la grande salle K est une petite chapelle, désignée sous le nom de chapelle des comtes de Flandre.

Certes, ce plan est loin de satisfaire aux exigences académiques auxquelles on croit, de nos jours, devoir sacrifier le bon sens et les programmes les mieux écrits ; mais si nous prenons la peine de l’analyser, nous resterons pénétrés de la sagesse de ses dispositions. Les besoins matériels de la vie, granges, celliers, moulins, cuisines, sont à proximité du cloître, mais restent cependant en dehors de la clôture, afin que le voisinage de ces services ne puisse distraire les religieux profès. Au sud de l’église est le cloître, entouré de toutes les dépendances auxquelles les religieux doivent accéder facilement ; chacune de ces dépendances prend l’espace de terrain qui lui convient. Au delà, un plus petit cloître paraît réservé aux travaux intellectuels. Si nous jetons les yeux sur le plan d’ensemble (5), nous voyons les usines, les vastes granges, les étables, les logements des artisans disposés dans une première enceinte en dehors de la clôture religieuse, sans symétrie, mais en raison du terrain, des cours d’eau, de l’orientation. Une troisième enceinte à l’est renferme les jardins, viviers, prises d’eau, etc. Tout l’établissement enfin est enclos dans des murs et des ruisseaux pouvant mettre l’abbaye à l’abri d’un coup de main.

De tous ces bâtiments si bien disposés et qui étaient construits de façon à durer jusqu’à nos jours, il ne reste plus que des fragments ; l’abbaye de Clairvaux, entièrement reconstruite dans le siècle dernier, ne présente qu’un faible intérêt. Cette abbaye avait la plus grande analogie avec l’abbaye mère. La plupart de ses dispositions étaient copiées sur celles de Cîteaux. La constitution de l’ordre, qui avait été rédigée définitivement en 1119 dans une assemblée qui prit le nom de premier Chapitre général de Cîteaux, par Hugues de Mâcon, saint Bernard et dix autres abbés de l’ordre, et qui est un véritable chef-d’œuvre d’organisation, en s’occupant des bâtiments, dit : « Le monastère sera construit (si faire se peut) de telle façon qu’il réunisse dans son enceinte toutes les choses nécessaires ; savoir : l’eau, un moulin, un jardin, des ateliers pour divers métiers, afin d’éviter que les moines n’aillent au dehors. » L’église doit être d’une grande simplicité. « Les sculptures et les peintures en seront exclues ; les vitraux uniquement