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La chronique dit que ce fut un ange qui lui apporta le livre de la règle monastique ; devenu l’ami et le confident d’Othon le Grand, la tiare lui fut offerte par son fils Othon II, qu’il avait réconcilié avec sa mère, sainte Adélaïde : il refusa, sur ce que, disait-il, « les Romains et lui différaient autant de mœurs que de pays. » Sous son gouvernement un grand nombre de monastères furent soumis à la règle de Cluny ; parmi les plus importants nous citerons ceux de Payerne, du diocèse de Lausanne ; de Classe, près de Ravenne ; de Saint-Jean-l’Évangéliste, à Parme ; de Saint-Pierre-au-ciel-d’or, à Pavie ; l’antique monastère de Lérins, en Provence ; de Saint-Pierre, en Auvergne ; de Marmoutier, de Saint-Maur-les-Fossés et de Saint-Germain d’Auxerre, de Saint-Bénigne de Dijon, de Saint-Amand, de Saint-Marcel-les-Châlons.

Saint Odilon, désigné par Maïeul comme son successeur, fut confirmé par cent soixante dix-sept religieux de Cluny : il réunit sous la discipline clunisienne les monastères de Saint-Jean d’Angély, de Saint-Flour, de Thiern, de Talui, de Saint-Victor de Genève, de Farfa en Italie ; ce fut lui qui exécuta la réforme de Saint-Denis en France qu’Hugues Capet avait demandée à Maïeul. Casimir, fils de Miceslas II, roi de Pologne, chassé du trône après la mort de son père, fut, sous Maïeul, diacre au monastère de Cluny ; rappelé en Pologne en 1041, il fut relevé de ses vœux par le pape, se maria, régna, et en mémoire de son ancien état monastique, il créa et dota en Pologne plusieurs couvents qu’il peupla de religieux de Cluny. On prétend que ses sujets, pour perpétuer le souvenir de ce fait, s’engagèrent à couper leurs cheveux en forme de couronne, symbole de la tonsure monastique. Saint Odilon fut en relations d’estime ou d’amitié avec les papes Sylvestre II, Benoît VIII, Benoit IX, Jean XVIII, Jean XIX et Clément II ; avec les empereurs Othon III, saint Henri, Conrad le Salique, Henri le Noir ; avec l’impératrice sainte Adélaïde, les rois de France Hugues Capet et Robert, ceux d’Espagne, Sanche, Ramir et Garcias, saint Étienne de Hongrie, Guillaume le Grand, comte de Poitiers. Ce fut lui qui fonda ce que l’on appela la trêve de Dieu, et la fête des morts. Il bâtit à Cluny un cloître magnifique orné de colonnes de marbre qu’il fit venir par la Durance et le Rhône. « J’ai trouvé une abbaye de bois, disait-il, et je la laisse de marbre. » Mais bientôt l’immense influence que prenait Cluny émut l’épiscopat : l’évêque de Mâcon, qui voyait croître en richesses territoriales, en nombre et en réputation les moines de Cluny, voulut les faire rentrer sous sa juridiction générale. En exécution des volontés du fondateur laïque de l’abbaye, les papes avaient successivement accordé aux abbés des bulles formelles d’exemption ; ils menacèrent même d’excommunication tout évêque qui serait tenté d’entreprendre sur les immunités accordées à Cluny par le Saint-Siège. « Les évêques ne pouvaient pénétrer dans l’abbaye, la visiter, y exercer leurs fonctions, sans y être appelés par l’abbé. Ils devaient excommunier tout individu qui troublerait les moines dans leurs possessions, leur liberté ; et s’ils voulaient au contraire jeter un interdit sur les prêtres, les simples laïques, les serviteurs, les fournisseurs, les