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Les voûtes commandent l’ossature du monument au point qu’il est impossible de l’élever, si l’on ne commence par les tracer rigoureusement avant de faire poser les premières assises de la construction. Cette règle est si bien établie que, si nous voyons une église du milieu du XIIIe siècle dérasée au niveau des bases, et dont il ne reste que le plan, nous pourrons tracer infailliblement les voûtes, indiquer la direction de tous les arcs, leur épaisseur. À la fin du XIVe siècle, la rigueur du système est encore plus absolue ; on pourra tracer, en examinant la base d’un édifice, non-seulement le nombre des arcs des voûtes, leur direction, et reconnaître leur force, mais encore le nombre de leurs moulures et jusqu’à leurs profils. Au XVe siècle, ce sont les arcs des voûtes qui descendent eux-mêmes jusqu’au sol, et les piles ne sont que des faisceaux verticaux formés de tous les membres de ces arcs. Après cela on se demande comment des hommes sérieux ont pu repousser et repoussent encore l’étude de l’architecture du moyen âge, comme n’étant que le produit du hasard ?

Il nous faut revenir sur nos pas, maintenant que nous avons tracé sommairement l’histoire de la voûte, du simple berceau plein cintre et de la coupole, à la voûte en arcs d’ogives. Nous avons vu comment dans les églises de l’Auvergne, d’une partie du centre de la France, de la Bourgogne et de la Champagne, du Xe au XIIe siècle, les bas côtés étaient surmontés souvent d’un triforium voûté, soit par un demi-berceau, comme à Saint-Étienne de Nevers, à Notre-Dame du Port de Clermont, soit par des berceaux perpendiculaires à la nef, comme à Saint-Remy de Reims, soit par des voûtes d’arêtes, comme dans le porche de Vézelay. Nous retrouvons ces dispositions dans quelques églises normandes, à l’abbaye aux Hommes de Caen par exemple, où le triforium est couvert par un berceau butant, qui est plus qu’un quart de cylindre (voy. Arc-boutant, fig. 49). Dans le domaine royal, à la fin du XIIe siècle, pour peu que les églises eussent d’importance, le bas côté était surmonté d’une galerie voûtée en arcs d’ogives, c’était une tribune longitudinale qui permettait, les jours solennels, d’admettre un grand concours de fidèles dans l’enceinte des églises ; car par ce moyen la superficie des collatéraux se trouvait doublée. Mais nous avons fait voir aussi comment cette disposition amenait les architectes, soit à élever démesurément les nefs centrales, soit à sacrifier les jours supérieurs ou à ne leur donner qu’une petite dimension. La plupart des grandes églises du domaine royal et de la Champagne, bâties pendant le règne de Philippe Auguste, possèdent une galerie voûtée au-dessus des collatéraux ; nous citerons la cathédrale de Paris, les églises de Mantes et de Saint-Germer, les cathédrales de Noyon et de Laon, le chœur de Saint-Remy de Reims, le croisillon sud de la cathédrale de Soissons, etc. Ces galeries de premier étage laissent apparaître un mur plein dans la nef, entre leurs voûtes et l’appui des fenêtres supérieures, afin d’adosser les combles à pentes simples qui les couvrent, comme à Notre-Dame de Paris, à Mantes ; ou bien sont surmontées d’un triforium percé dans l’adossement du comble et l’éclairant, comme à Laon, à Soissons, à Noyon. L’architecte de la cathé-