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aussi pour résister à la poussée uniforme des voûtes en berceau, cherchaient, autant pour économiser les matériaux que pour décorer ces murs massifs et les rendre moins lourds, à les alléger au moyen d’une suite d’arcades (voy. Arc de décharge) qui leur permettaient cependant de retrouver les épaisseurs de murs nécessaires pour maintenir les poussées des berceaux au-dessus de l’extrados de ces arcs. Par suite de l’application des voûtes en arcs d’ogives dans les édifices, il ne fut plus utile d’élever des murs épais continus ; on se contenta dès lors d’établir des contre-forts saillants au droit des poussées (voy. Construction), et les intervalles entre ces contre-forts n’étant que des clôtures minces en maçonnerie, les arcades aveugles, ou arcs de décharge, n’eurent plus de raison d’être. Toutefois cette tradition subsista, et les architectes de la période ogivale continuèrent, dans un but purement décoratif, à pratiquer des arcades aveugles (arcatures) sous les appuis des fenêtres des bas côtés dans les intérieurs de leurs édifies, d’abord très-saillantes, puis s’aplatissant peu à peu à la fin du XIIIe siècle et pendant le XIVe, pour ne plus être qu’un placage découpé plus ou moins riche, sorte de filigrane de pierre destiné à couvrir la nudité des murs.

ARCATURE, s. f. Mot par lequel on désigne une série d’arcades d’une petite dimension, qui sont plutôt destinées à décorer les parties, lisses des murs sous les appuis des fenêtres ou sous les corniches, qu’à répondre à une nécessité de la construction. On rencontre dans certains édifices du Bas-Empire des rangées d’arcades aveugles qui n’ont d’autre but que d’orner les nus des murs. Ce motif de décoration paraît avoir été particulièrement admis et conservé par les architectes de l’époque carlovingienne, et il persiste pendant les périodes romane et ogivale, dans toutes les provinces de la France. Il est bon d’observer cependant que l’emploi des arcatures est plus ou moins bien justifié dans les édifices romans ; quelques contrées, telles que la Normandie par exemple, ont abusé de l’arcature dans certains monuments du XIe siècle, ne sachant trop comment décorer les façades des grandes églises, les architectes superposèrent des étages d’arcatures aveugles de la base au faîte. C’est particulièrement dans les édifices normands bâtis en Angleterre, que cet abus se fait sentir ; la façade de l’église de Peterborough en est un exemple. Rien n’est plus monotone que cette superposition d’arcatures égales comme hauteurs et largeurs, dont on ne comprend ni l’utilité comme système de construction, ni le but comme décoration. En France le sentiment des proportions, des rapports des vides avec les pleins, perce dans l’architecture du moment qu’elle se dégage de la barbarie. Dès le XIe siècle ces détails importants de la décoration des maçonneries, tels que les arcatures, sont contenus dans de justes bornes, tiennent bien leur place, ne paraissent pas être comme en Angleterre ou en Italie, sur la façade de la cathédrale de Pise par exemple, des placages d’une stérile invention. Nous diviserons les arcatures : 1o en arcatures de rez-de-chaussée ; 2o arcatures de couronnements ; 3o arcatures-ornements.