Page:Viollet-le-Duc, Histoire d une maison, 1873.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pignons. En prenant la face sur l’entrée, projetez verticalement les angles du bâtiment, les portes et fenêtres d’après le plan. Voilà l’ossature de cette façade disposée. »

Le grand cousin prend alors la planchette et esquisse la façade (fig. 5).

Tout cela fut bientôt mis au net à une petite échelle pour être envoyé à Mme Marie N…, afin d’avoir son avis, et de procéder à l’exécution dès qu’on aurait reçu la réponse.

M. Paul commençait à entrevoir quelques-unes des difficultés que fait naître le moindre projet de bâtisse et se demandait comment le père Branchu, qui savait tout juste écrire et compter, avait pu arriver à construire la maison de M. le Maire, laquelle, cependant, n’avait pas trop mauvaise apparence.

Le grand cousin, interrogé sur ce point, répondit ainsi à M. Paul : « Le père Branchu possède la pratique de son métier ; c’est un bon maçon de campagne qui a commencé par porter l’oiseau sur ses épaules, qui est fils de maçon et fait ce qu’il a vu faire à son père. Il est d’ailleurs intelligent, laborieux et probe. Par la pratique seule, il est arrivé à bâtir comme on bâtit au pays, et peut-être un peu mieux, parce qu’il raisonne volontiers sur ce qu’il fait. Il observe ; ce n’est ni un sot, ni un vaniteux ; il évite les fautes des uns et imite les qualités des autres. Vous le verrez à l’œuvre, et vous serez parfois surpris de la justesse de ses observations, de l’insistance qu’il met à défendre son opinion et des moyens pratiques dont il sait faire usage. Si on lui donne des instructions et qu’il n’en comprenne pas parfaitement le sens, il ne dit mot, mais revient le lendemain vous expliquer ce qu’il a cru saisir, vous forçant ainsi à reprendre un à un tous les points douteux, à compléter tous les renseignements incomplets ou vagues. J’aime le père Branchu à cause de la ténacité qu’il met à vouloir comprendre ce qu’on lui ordonne, et ce qui le rend importun pour quelques-uns, me semble une