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CONTE DE FIN D’ÉTÉ

À Monsieur René Baschet.


— Comment la chaîne des êtres créés se briserait-elle à l’Homme ?
Les Platoniciens du xiie siècle.


En province, au tomber du crépuscule sur les petites villes, — vers les six heures, par exemple, aux approches de l’automne, — il semble que les citadins cherchent de leur mieux à s’isoler de l’imminente gravité du soir : chacun rentre en son coquillage au pressentiment de tout ce danger d’étoiles qui pourrait induire à « penser ». — Aussi le singulier silence, qui se produit alors, paraît-il émaner, en partie, de l’atonie compassée des figures sur les seuils. C’est l’heure où l’écrasis criard des charrettes va s’éteignant du côté des routes. — À présent, aux promenades, — « cours des Belles-Manières » — bruit, plus distinctement, par les airs, sur l’isolement des quinconces, le frisson triste des hautes feuillées. Au long des rues s’échangent, entre ombres, des saluts rapides, comme si le retour à de banals foyers compensait les lourds moments (si vainement lucratifs !) de la journée