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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

profession publique de leur culte, au soulagement de leurs frères, à la flétrissure du vice et de l’oppression, à la réforme, à la conquête morale du monde.

Ainsi la paix apparente et servile de l’ancienne cité romaine couvrait de son immobilité et de ses ombres le travail le plus actif d’une cité nouvelle. Loin d’avoir abandonné le monde, l’enthousiasme, l’ardeur de l’âme, autrefois dispersés sur les intérêts nombreux de la vie publique et souvent corrompus par les mauvaises passions qui s’y mêlent, s’étaient épurés, et brillaient d’une flamme plus vive dans le foyer caché du sanctuaire.

Ce secours qui n’a point manqué aux jours de la décadence, ce flambeau de l’imagination et du cœur qui ne s’est pas éteint dans le passage de l’ancien monde au nouveau, devrait-il donc pâlir et disparaître dans les jours futurs du monde ? La perte de l’enthousiasme, l’inutilité de la poésie, seraient-elles un progrès que nous devions attendre des perfectionnements successifs de la vie matérielle ? Seraient-elles une punition que doit encourir notre intelligence trop attentive à cet intérêt seul, et par là trop semblable à cet ange cupide que Milton nous représente, dans les cieux mêmes, devenant épris des splendeurs de l’or foulé sous ses pas, et dès lors infidèle à Dieu et déchu de sa lumière ?

Non, il n’en sera pas ainsi. Tout ce qui ajoute extérieurement aux forces de l’homme, tout ce qui d’abord