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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

indigènes que longtemps résignés dans leur obéissance, cette visite pastorale de Calcutta jusqu’à Bombay, parmi les souverainetés détruites, les idoles tolérées dans les temples et les anciens sultans reclus dans leurs palais, tout ce spectacle sans exemple dans le monde donne au pieux et charitable évêque une grandeur singulière. Européens, mahométans, Hindous de castes diverses, il est pour tous un être supérieur en sagesse et en bonté.

Le vertueux évêque souffrait surtout, dans sa douloureuse indignation, à la vue des crimes religieux qu’il ne pouvait prévenir. Il était obligé d’entendre les raisonnements de légistes et même de missionnaires anglais qui croyaient nécessaire de permettre encore les immolations volontaires des veuves, pour ne pas rendre plus fréquents ces affreux sacrifices. Chrétien fervent et convaincu, il invoque parfois le simple déisme comme un port plus facile contre tant de vices, dont il voudrait à tout prix retirer les âmes. Sectaire tolérant, il embrasse dans sa pieuse fraternité toutes les formes de christianisme, tous les genres d’apostolat.

Ce beau caractère de prosélytisme, allié dans Réginald Héber à toute l’étendue du savoir, à toute la délicatesse du goût le plus exquis, ne pouvait que l’inspirer heureusement pour la poésie comme pour l’éloquence. Cette poésie eut deux formes : tantôt l’hymne religieux, tantôt l’ode descriptive et passionnée. L’hymne religieux peut naître dans tous les pays,