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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

je regardais ébloui, la tête nue, et que je lançais au loin mon âme sur la terre, l’Océan, les airs, maître de toutes choses par la puissance du plus ardent amour, là je t’ai sentie, ô liberté ! »

Je ne sais : mais cette poésie, même en lui rendant l’à-propos de la passion populaire, l’accent national, l’éclat de l’harmonie, ne devait pas avoir la vertu de la lyre antique. Dans le désordre même, on y sent plus d’apprêt que d’enthousiasme.

Coleridge, excessif dans ses opinions, inégal et rêveur dans sa vie, était un élève de la Muse allemande : il en avait aimé le tour vague et mystique, l’abondance descriptive, avant d’y mêler les passions de la liberté. C’est à cette école qu’il avait nourri d’abord un plus paisible enthousiasme, rêvant au pied du mont Chamouni, comme plus tard il habita les bords agrestes des lacs d’Écosse. Peut-être cette première inspiration lui convenait mieux, était plus vraie pour lui que celle qui suivit ; mais l’une et l’autre en ont fait un poëte qu’on ne peut oublier.

La grandeur politique de l’Angleterre, son génie voyageur, son ambition cosmopolite, devaient, même dans un temps de déclin pour les arts, ouvrir à ses enfants plus d’une source poétique. Il fut poëte aussi, cet autre démocrate anglais de 1789, non moins passionné pour la liberté que pour la science, intègre et généreux magistrat, voulant rendre aux Hindous l’usage