Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/535

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
527
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

cria Mortimer, et il étendit sa lance frémissante.

Sur un roc, dont le faîte sourcilleux se hérisse au-dessus des flots écumants de Conway, couvert du noir vêtement de la calamité, les yeux hagards, le poëte était debout : sa barbe épandue et sa blanche chevelure flottaient comme un météore, au souffle de l’air agité ; et, d’une main de maître, avec le feu d’un prophète, il éveillait les gémissements profonds de la lyre : — Écoute comme chacun des chênes géants et des antres déserts soupire, à la voix formidable du torrent qui se précipite au-dessous d’eux. Ils exhalent le cri de vengeance sur toi, dans des murmures plus terribles encore ; car ils ne parlent plus depuis la journée de Gambria, fatale à la harpe de l’illustre Hoël, et à la voix du mélodieux Lewellin.

Elle est glacée la langue de Cadwalto qui faisait taire l’orageux océan ; le brave Urien dort sur sa couche de rocher. Montagnes, vous pleurez en vain Modred, dont le chant magique forçait le Plinlimmon de baisser sa tête vêtue de nuages !

Sur le redoutable rivage d’Avon, ils gisent souillés de sang et pâles à faire peur. Loin, bien loin, traversent les vautours effrayés. L’aigle affamé pousse un cri et passe auprès.

Chers compagnons de mon art mélodieux, chers à moi comme la lumière qui visite ces tristes yeux, comme les gouttes de sang qui réchauffent mon