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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

nom qu’elle illustre à jamais, cette ambition ne pouvait manquer dans les rares et studieux efforts du poëte anglais. Elle lui inspira son second chef-d’œuvre, le Barde, cette ode qu’il a lui-même nommée pindarique, et dont le sujet, la passion, les détails, sont tous empreints de ce goût d’antiquité indigène et de poésie du Nord qui partageait avec la littérature classique ses recherches assidues et sa contemplation rêveuse. De ce fond sortit un chant à la gloire des anciens bardes calédoniens, où brille bien mieux que dans l’Ossian de Macpherson la flamme vraie du patriotisme et de la poésie. Écoutons un moment cette création de l’art, qui ressemble à l’action spontanée du génie :

« Tombe sur toi la ruine, impitoyable roi ! que la confusion s’attache à tes bannières, bien que, sous le vent des ailes rouges de la victoire, elles insultent les airs de leur pompe oiseuse ! Le casque, ni l’émail croisé du haubert, ni même ta vaillance, ô tyran, ne réussiront à préserver en secret ton âme des terreurs nocturnes et des malédictions de Cambria, des pleurs de Cambria.

Tels étaient les accents qui sur l’orgueilleux cimier du premier Édouard jetèrent l’effarement et la peur, tandis que, sur les escarpements de la côte ombragée du Snodon, il déployait, en laborieux détours, sa longue file armée. L’altier Glocester s’arrêta troublé sous un frisson muet : Aux armes !