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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

controverse et la lecture de la Bible, l’Orient a possédé l’imagination anglaise, mais tout cela, sous une première loi de formation du langage et des mœurs, très-marquée dans le type anglais. Cette poésie qui plus tard a parcouru tant de climats, a réfléchi tant d’horizons divers, s’est colorée de tant de feux et nourrie de tant d’instincts profonds du cœur, est, avant tout, une poésie du Nord, éprise avec passion des beautés naturelles, et, sous son ciel natal, ni rassasiée de leurs douceurs, ni trop éblouie et comme fatiguée de leur éclat, mais s’élevant avec joie du monde visible vers l’infini, curieuse surtout de l’âme humaine, et tout à la fois contemplative et violente.

Sous ces influences diverses, que domine l’étoile du Septentrion, la poésie lyrique pouvait-elle ne pas naître chez le peuple anglais ? Fallait-il ne la demander qu’à la tradition incertaine de ces bardes gallois qu’un roi cruel fit périr au neuvième siècle ? Ne devait-on en retrouver la trace que dans quelques ballades populaires ? Ne plaît-elle pas au génie anglais dans son studieux travail, comme dans son libre essor ? La réponse est partout, depuis la chanson d’amour vraiment lyrique de Marlowe, cet Eschyle anglais, jusqu’aux chœurs des derniers élèves de Shakspeare. Il suffit de rappeler cette monodie de Shirley, dans son Ajax furieux :

« Les gloires de notre vie mortelle sont des ombres, non des réalités ; il n’y a pas d’armure à l’épreuve du destin. La mort étend sa main glacée sur les