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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

scandinave venait incessamment le rallumer au feu des villes incendiées. C’est aux plus anciens souvenirs de cet apostolat farouche du Nord sur le Midi que Charlemagne, devenu patrice romain et chef civilisé des barbares, empruntait un nouvel enseignement pour son peuple. Il recueillait et faisait traduire les chants des vieux Germains[1], en même temps qu’il écrasait les héritiers de leur courage dans les forêts de la Saxe et les montagnes du Hartz. Bientôt ce feu d’audace et de génie, dont il avait ramassé les charbons éteints, s’éleva contre lui des âpres rivages de la Norwége et de l’Islande ; et les dernières alarmes de l’empereur d’Occident s’arrêtaient sur les légers esquifs et les voiles déployées de quelques rois de mer, pirates et poëtes, assiégeant l’embouchure de la Seine.

Les anciennes Sagas d’Islande, la Voluspa, le poëme des Niebelungen, sont les rameaux immortels de cette minière poétique du Nord : nous n’avons pas essayé d’y pénétrer. L’idiome, l’accent indigène, fait partie trop essentielle de la poésie pour qu’il soit permis de la juger quand ce secours nous manque. Laissons ce privilége à qui, jeune, connut bien les langues du Nord. C’était, dans nos recherches de la poésie lyrique, une omission prévue. Pour goûter l’inspiration, il faut entendre la voix et saisir du même coup le sens et l’harmonie. Les hymnes mélancoliques de l’Edda, les

  1. Krantzii Saxonia.