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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

les chants conservés du grand lyrique grec ; et, dédiant les diverses parties de ce travail au roi Henri III, au président de Thou, au conseiller Hurault de Chiverny, il opposait, non sans éloquence, à la cruauté stérile et raffinée des duels du temps la vertu patriotique des anciens jeux de la Grèce. Ses préfaces et ses vers avaient pour juge un public nombreux, dont le suffrage, sous la plume de quelques jeunes magistrats, s’exprimait en distiques grecs[1] à la louange de Pindare et de son harmonieux interprète.

Ajoutons-le : dans cette inégale mais forte civilisation du seizième siècle, où la vie était partout et s’accroissait par la division même, une ville de province, justement citée aujourd’hui pour son École de cavalerie, avait alors son éditeur de Pindare, Jean Benoist, docteur en médecine, professeur de langue grecque à l’Académie royale de Saumur. Un docte volume sorti par ses soins des presses de cette ville, en 1570, nous donne, avec une paraphrase et une métaphrase, un texte déjà correct, entouré de notes précieuses. La science partout éveillait l’émulation, et pouvait parfois tromper le talent sur le moment venu d’oser en poésie, et sur l’audace permise à notre langue.

  1. Δῖος Ἀλέξανδρος, πρήσας Καδμήϊον ἄστυ,
    Πινδαρέων πάμπαν φείσατο τῶν μεγάρων;
    Σουδάριος δ’οὑ μοῦνον ἔσωσε μέλαθρον ἀοιδοῦ,
    Αὐτὰρ οἱ ἄλλο νέον τεῦξεν ἐπ’ Αὐσονίης.

    « Le divin Alexandre, ayant incendié la ville de Cadmus, épargna tout à fait la maison de Pindare. Le Sueur n’a pas seulement sauvé le palais du poëte ; il lui en a élevé un autre tout neuf dans l’Ausonie. »