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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

sont des hymnes d’amour divin, comme n’en rêva jamais la poésie profane.

Un sceptique du siècle dernier, Diderot, trouvait dans les Torrents de madame Guyon une éloquence incomparable. Qu’aurait-il dit d’une autre imagination jugée sainte et pure par ce grand Bossuet si sagement inflexible pour les folles rêveries de madame Guyon ? Il faut l’avouer cependant : la différence saisie par un tel maître échappe à des yeux plus faibles ; et, dans cette périlleuse carrière du mysticisme, la suspension de l’âme humaine pour laisser place à Dieu seul, l’amour contemplatif porté jusqu’à l’extase, sans tomber dans le quiétisme, sont pour nous une douteuse énigme. Si la pureté même de la foi peut avoir son délire, la sublimité de la source devrait du moins se reconnaître encore au cours limpide de la pensée. Plus l’âme se détache des sens pour contempler le juste et le beau, plus elle mériterait de n’entrevoir que l’image de l’idéal divin. C’est là ce qui manque trop à l’amour mystique, par une erreur que ne prévient pas le génie même de sainte Thérèse. Souvent elle retombe sous cette loi des images sensibles, qu’elle voudrait fuir et dédaigner. Son expression trop vive matérialise le type qu’elle adore ; et, sous les noms d’amour et d’époux, le charme d’un culte tout spirituel, pour une beauté toute céleste, disparaît dans le trouble d’une passion qui semble trop humaine.

Laissons à la religion ses mystères, à la poésie son