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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Dans ce désastre, aggravé par l’imprévoyance ottomane, il n’échappa guère, à la faveur de la nuit, qu’une section de la flotte turque, l’escadre d’Alger, commandée par le dey lui-même, indépendant du pacha turc, et manœuvrant de hardis navires habitués aux écueils de ces mers, et non moins alertes à la fuite qu’au pillage.

Ce fut même ce prince, sujet de la Porte, qui vint rassurer, ou épouvanter Constantinople, et montrer à Sélim, comme un dernier secours, les seuls vaisseaux ottomans échappés à la ruine commune.

La saison avancée, les pertes des alliés, et surtout la politique secrète de Philippe II, docilement respectée du jeune vainqueur quand la vue de l’ennemi n’entraînait plus son courage, ne laissèrent pas les chrétiens user de leur succès comme ils auraient dû, assaillir à coups pressés l’empire ottoman, et lui reprendre du moins sa récente conquête. Abrités d’abord dans la rade de Corfou, les confédérés s’y partagèrent le butin de la victoire, les galères, les pièces d’artillerie, les captifs, donnant à l’Espagne cinquante-huit galères turques, trente-neuf à Venise et dix-neuf au pape, mais n’essayant plus rien contre le joug à demi brisé des barbares.

Aux efforts passionnés du pape, à ses bulles triomphales, à ses ambassades, pour presser la guerre et pour étendre l’alliance, Philippe II répondit seulement par la promesse de laisser sa flotte hiverner en Italie, afin d’en