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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

hormis ce qu’il y a de plus pathétique et de plus grand.

Que maintenant, parmi les fêtes et les chefs-d’œuvre des galeries de Florence, Médicis, nourri des pensées de Platon, les ait redites parfois en strophes élégantes ; que Politien ait retrouvé, dans ses deux langues natales, quelque chose de l’harmonie d’Horace et de sa curieuse hardiesse d’expression, ce sont des plaisirs délicats pour le goût, des sujets pour l’étude, mais non de grandes influences qui aient agi sur la pensée et pris place dans l’histoire des lettres.

Au seizième siècle cependant, malgré le poids de l’érudition et de la controverse, le poëte pouvait encore paraître appelé à son rôle antique de conseiller du peuple, de chantre du courage et de la délivrance. Un grand péril menaçait alors l’Europe déchirée par tant de divisions intérieures. Car enfin, il y a moins de trois siècles, les Turcs, maîtres absolus des plus beaux climats de l’Occident, dominaient la Méditerranée, menaçaient ses rivages, et, délivrés de Charles-Quint, semblaient ne plus compter d’adversaires en Europe.

L’imagination peut à peine concevoir l’horreur des peuples chrétiens du seizième siècle, à l’approche de Soliman ou de Sélim. L’empire des Turcs était encore dans le cours impétueux de sa croissance, et sous l’élan de cette politique atroce qui semblait la condition de sa grandeur. Une succession au trône régulièrement cimentée par des meurtres de famille, un gouvernement