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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

de l’antiquité ce que l’Italie du moyen âge était aux cités glorieuses de l’ancienne Grèce. Il représenta cette vie plus oisive que libre, plus agitée que forte, où l’Italie du quatorzième siècle souffrit et lutta, sans rien faire de grand au dehors, et sans s’affranchir elle-même. Il excella dans la peinture des sentiments privés, bien plus que dans l’expression des grands devoirs et des vertus civiques. Il fut le plus ingénieux et le dernier des troubadours, plutôt qu’un Pindare ou un Stésichore.

Ne l’oublions pas, toutefois : si l’Italie elle-même avait alors porté ses pensées plus haut, Pétrarque était digne de lui servir d’interprète. Chantre de la beauté, il ne fut pas le flatteur intéressé de la puissance injuste. Il aima son pays ; il le servit de ses efforts, pour la concorde au dedans et contre l’étranger. Il le voulait libre, aussi bien que florissant par les arts ; et il ne déshonora d’aucune lâche faiblesse cette couronne de poëte qu’il reçut au Capitole.

Non qu’il ait jamais donné une vie actuelle et puissante aux grands souvenirs qui font la gloire et l’illusion de l’Italie. Il partagea l’espérance prolongée tant de siècles après lui. Il crut un moment même à l’audace et à la fortune de Rienzi. Il félicita, dans une belle ode, le jeune Étienne Colonna d’être nommé sénateur, et rêva, sous ses auspices, la renaissance de Rome. Surtout il maudit ce que les grands papes du moyen âge avaient tant combattu, et ce que Milan avait imprudem-