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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Et cette forme de tercets rimés continue, sauf quelques interruptions, à reproduire en foule les images que la foi rendait vulgaires sans les rendre moins poétiques.

Encore un peu de temps, et les dialectes vulgaires, à peine dégagés des ruines romaines, allaient s’emparer de cette thèse inépuisable, que la religion rendait présente aux cœurs de la foule, et que le beau ciel de l’Italie animait de sa lumière. Ici viennent à nous encore, comme des précurseurs du Dante, ou du moins comme des initiateurs de la langue qu’allait parler son génie, ces poëtes franciscains dont un rare talent de nos jours, un éloquent érudit, a retrouvé d’heureux échos.

Cette fois, ce n’est plus le chant profane et travaillé des troubadours, cette poésie artificielle lors même qu’elle est passionnée, qui aura précédé le grand poëte, lui ouvrira la route, et, par cela même, pourra souvent égarer son mâle et fier génie : ce sera la religion même, par les voix les plus candides et les plus simples ; ce sera le spectacle de la piété populaire, au milieu de la belle nature de l’Italie, alors que, dans la tiède sérénité du soir, après un jour brûlant de Toscane, un humble religieux, frère Pacifique, faisait doucement retentir de simples paroles italiennes, répétées en chœur par le peuple agenouillé dans une vaste plaine des bords de l’Arno.

Un de ces chants était, dit-on, de saint François lui-même, et n’en est pas indigne par la ferveur de l’é-