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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

souffle de sa flamme, elles s’agitent sous la cendre ; elles jettent des lueurs encore vives, que fait ressortir le temps nouveau qui les entoure. Ainsi, près des hymnes de l’évêque chrétien se réveillait l’opiniâtre enthousiasme de Proclus, adorant Minerve et les Muses au bruit de la chute des temples.

Sans doute, dans les vers de Proclus, la liberté lyrique s’embarrasse sous les entraves de l’archaïsme et du symbole. L’inspiration souffre de ce travail érudit ; mais l’amour des lettres était devenu pour ces demeurants du polythéisme une passion à la fois subtile et sacrée, dont le langage a sa poésie comme sa sincérité.

« Chantons[1], célébrons la divine lumière des mortels, les neuf filles harmonieuses du grand Jupiter, les Muses, qui, purifiant les âmes égarées sur l’océan de la vie, par la vertu mystérieuse des livres, soutien de la pensée, les préservent des terrestres douleurs, et leur apprennent à franchir le fleuve profond de l’oubli, et à monter, exemptes de souillure, dans l’astre fraternel d’où ces âmes étaient jadis déchues, quand elles descendirent aux rivages de la vie, éprises de passion pour les biens de la matière.

Mais, ô déesses ! calmez en moi cette impétueuse ardeur ; enivrez-moi des leçons intellectuelles des sages, et que la voix des hommes superstitieux ne me détourne pas de cette route divine et salutaire !

  1. Procl. Hymn. p. 179.