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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

bien suprême, là où le ciel est silencieux, où n’existent plus ni le temps inépuisable, infatigable, attirant dans son cours tout ce qui vient de la terre, ni les maux sortis du vaste sein de la matière, mais seulement l’éternité exempte de vieillesse, ou plutôt jeune et vieille à la fois, distribuant aux êtres divins leur part du bienheureux séjour. »

Le pontife chrétien, le défenseur, le père du peuple de Ptolémaïs, est ici redevenu le disciple enthousiaste de Platon. Il semble contempler avec lui les idées éternelles ; il y aspire encore, et ne les sépare pas de cette immuable durée qui succède au temps périssable. Mais cet enthousiasme, dernière forme de la poésie antique, il l’exhale d’un cœur ému, sous l’invocation, sous la présence du Christ. Pour lui, la pensée spéculative, la vue de l’idéal divin se confond avec les ardeurs de la charité secourable et la passion du sacrifice. Il veillera jour et nuit sur Ptolémaïs ; il refusera de la quitter, dans les horreurs d’un siége ; il la protégera, il la bénira jusqu’à la dernière heure. Il s’ensevelira sous les ruines de sa patrie, sans qu’il y soit réservé à sa mémoire même une pierre funèbre. Il aura rempli son saint ministère d’évêque, comme il le concevait, comme il l’exprimait dans un de ses discours, non moins poétique, non moins élevé que ses hymnes.

« Je resterai à ma place dans l’église ; je mettrai devant moi les vases sacrés ; j’embrasserai les colonnes du sanctuaire qui soutiennent la table sainte.