Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
420
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Sans doute l’empreinte profane et surtout homérique n’a pas tout à fait disparu de ces vers. Vous y reconnaissez, dans une illusion rapide, jusqu’à ces deux cratères d’où le maître de l’Olympe versait les biens et les maux, antique symbole que le philosophe Thémiste avait déjà rajeuni, dans un discours sur les devoirs et la double puissance de la royauté. Mais, en dépit de ces souvenirs que Synésius ne peut dépouiller, vous sentez désormais en lui l’inspiration chrétienne ; et le poëte a pu devenir évêque, surtout à cette époque d’une foi plus ardente et d’un formulaire moins rigoureux, où l’Église enveloppait dans sa communion des prosélytes parfois hétérodoxes sur quelques points, comme un vaste empire, aux premiers jours de ses victorieux agrandissements, reçoit et tolère dans son sein des cités et des territoires auxquels il laisse d’anciens usages et quelques libertés dissidentes de la règle d’obéissance commune.

Cette confiance de l’Église ne sera pas trompée par Synésius. Catéchumène depuis longtemps sans doute, il entre dans le sacerdoce chrétien avec des réserves exprimées sur le dogme et la discipline. Il garde une opinion à part, et longtemps laissée libre, sur l’époque de la création des âmes ; il partage le dissentiment d’Origène quant à l’éternité des peines. Enfin il avoue et retient les droits du mariage dans le ministère ecclésiastique ; et le deuil cruel qui plus tard désola sa vie, la mort prématurée des trois enfants