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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

On le croira sans peine : le pouvoir d’Octave était fondé sur la réalité de la dictature et l’apparence de la démocratie. Par l’extension illimitée du droit de suffrage et la substitution des tribus aux centuries, il avait, sur la trace de Marius et de César, noyé la liberté sous le nombre, abaissé le patriciat après l’avoir proscrit, et substitué au vœu libre des citoyens les clameurs serviles de la foule. Cela, sans doute, n’aurait pas dû absoudre la domination d’Auguste aux yeux du philosophe, et encore moins du partisan de l’ancienne république ; mais le poëte pouvait prendre cette joie ou cette ignorance publique pour une excuse des louanges qu’il prodiguait à l’ancien proscripteur, dont lui-même n’avait éprouvé que les bienfaits.

On peut croire cependant que pareil hommage ne s’était pas fréquemment renouvelé pour Auguste : car l’empereur, alors vieux et malade, en parut charmé et voulut récompenser un si bon exemple. Il distribua des pièces d’or à toute sa suite, en faisant promettre à chaque courtisan d’employer ce qu’il recevait en achats de marchandises d’Alexandrie.

C’était, comme on le voit, à l’égard de ces étrangers sujets de Rome, le procédé dont usèrent les empereurs envers les habitants de Rome, panem et circenses. Et bientôt les plus méchants empereurs allaient satisfaire d’autant mieux à ce besoin que leurs crimes et leurs vices seraient des fêtes populaires, et que dans le meurtre et la spoliation des anciennes fa-